L’aménagement du territoire «sert une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire». Entre ce que déclare la Constitution fédérale et la réalité, un fossé. La superficie totale réservée à la construction est surdimensionnée par rapport aux besoins actuels et à moyen terme. Chipoter sur l’exactitude des chiffres – de 1,4 à 2,5 millions d’habitants supplémentaires possibles – ne présente guère d’intérêt.
De plus les zones constructibles sont dispersées sur tout le territoire, chaque commune rêvant à un avenir de tigre asiatique. Sur le Plateau, l’effet de cette dispersion se voit dans l’étalement presque continu des constructions entre Genève et Romanshorn.
Enfin cette profusion de mètres carrés bâtis et à bâtir n’est pas partout présente. Dans les grandes agglomérations, les terrains se font rares alors qu’ailleurs l’offre dépasse la demande.
Voilà pour le constat. Face à cette abondance, les partisans de l’initiative pour le paysage suggèrent une pause: on gèle la surface à bâtir durant 20 ans, de manière à sauvegarder ce qui peut l’être encore des paysages et des espaces naturels.
La mesure peut paraître brutale et même inéquitable, pénalisant les collectivités qui ont utilisé leur territoire de manière judicieuse. Pourtant elle seule est à même d’interrompre l’extension continue, rapide et anarchique de l’habitat et de l’activité économique, la destruction des paysages et le mitage du pays. Adoptée, cette mesure obligera à trouver les procédures aptes à stimuler des transferts de zones à bâtir surdimensionnées vers des régions dont le développement exige plus de surfaces constructibles. Par exemple par l’émission de droits à bâtir négociables (DP 1789).
Faut-il craindre que le développement des métropoles soit ainsi entravé? Bien au contraire. Le développement actuel par étalement conduit à la constitution d’agglomérations informes, au gré des zones à bâtir disponibles dans les communes environnantes. L’initiative prévoit d’ailleurs que le Conseil fédéral puisse accorder des dérogations pour des projets d’urbanisation de qualité. Cette possibilité rejoint le souci d’un «projet territorial» qui organise la métropolisation. Mais ce projet, sans la contrainte du gel de la zone à bâtir, risque bien de ne jamais voir le jour, trop d’intérêts particuliers se liguant pour perpétuer l’actuelle anarchie. De plus il ne s’agit pas seulement du futur des villes – à cet égard les «urbanophiles» font preuve d’un étrange provincialisme –, mais de celui de tout le territoire et d’une répartition équilibrée entre l’habitat, les activités économiques et la nature.
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