Jean-Daniel Delley, comme d’autres éditorialistes romands, a consacré un article au célèbre questionnaire Gulliver de l’Exposition nationale de 1964. La censure du questionnaire avait fait beaucoup de bruit et avait ému le monde intellectuel à l’époque déjà.
Toutefois, la perception que nous en avons et les comptes-rendus que nous en donnons aujourd’hui masquent un aspect important, qui justifiait – en tout cas en partie – les appréhensions de l’autorité fédérale de l’époque. Elle avait d’ailleurs demandé une expertise au sociologue bernois Urs Jaeggi que je ne soupçonne pas de complaisance pour le conservatisme. La question principale – en 1964 comme aujourd’hui – est : quelle allait être la représentativité des réponses données ?
Toute enquête qui se veut être le reflet honnête et vraisemblable des opinions d’une certaine population sur un certain sujet doit respecter certaines règles, notamment quant à l’échantillonnage des personnes interrogées et sur la manière dont l’information est recueillie. Or le principe même de Gulliver, conçu comme une sorte de jeu, ne permettait pas de respecter ces règles scientifiques et déontologiques élémentaires (par exemple équilibre entre les personnes des deux sexes ou prise en compte des classes d’âge ou du critère linguistique ?). Ce n’est pas non plus le fait que plus d’un demi-million de personnes ait participé qui puisse rendre les résultats plus représentatifs et plus vraisemblables, la masse des réponses ne pouvant qu’amplifier les biais, tout en impressionnant le public.
Personnellement, je me souviens d’avoir répondu à ce questionnaire en m’amusant à y cocher des choix tout à fait autres que mes convictions, car c’était une occasion de dérision ou de plaisanterie. Ne prenons donc pas ces réponses pour un reflet véridique ni même vraisemblable des opinions des Suisses de l’époque !
Laurent Bridel, Lutry
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