L’interminable feuilleton des importations parallèles se poursuit. Le Conseil des Etats avait trouvé un compromis libérateur: accepter sans réserve l’importation des produits brevetés en provenance de l’Europe à l’exception des médicaments soumis à ordonnance. Le Conseil national s’apprêtait à entériner cette solution. Mais la radicale Christina Markwalder, par ailleurs présidente du Nouveau mouvement européen suisse (Nomes) a bouleversé l’édifice. Plutôt que d’accepter ce compromis qu’elle jugeait juridiquement et politiquement boîteux, elle a proposé d’en rester pour l’heure au régime actuel qui protège les produits brevetés de toutes importations parallèles Mais, dans la foulée, elle a déposé une motion pour donner mission au Conseil fédéral de négocier un accord avec Bruxelles pour que la circulation sans entrave des produits brevetés soit garantie dans les deux sens et non seulement d’Europe vers la Suisse.
La première proposition Markwalder a largement passé la rampe. Des UDC ont voté avec la présidente du Nomes. Le compromis du Conseil des Etats est au frigo. En revanche, la motion europhile, qui vient seulement d’être déposée, est en suspens.
Chemie Pharma Schweiz jubile. Même avec une exception en faveur de ses produits, le lobby pharmaceutique entend bloquer toute libéralisation des importations parallèles. Le Nomes au contraire estime que les débats ouvrent la voie à une meilleure ouverture du marché des produits brevetés. Il fait remarquer également que la solution préconisée par le Conseil des Etats fait courir à la Suisse le risque de conflit au sein de l’OMC. En vertu du «principe de la nation la plus favorisée», les pays tiers pourraient exiger de bénéficier des mêmes avantages que ceux accordés à l’Europe.
Cette péripétie procédurale incompréhensible pour le citoyen moyen fait le délice des parlementaires. Mais elle mérite qu’on s’y attarde parce qu’elle marque une exception (ou un tournant?) dans la stratégie du mouvement européen. Depuis le cuisant échec de l’initiative sur l’adhésion, le Nomes soutient systématiquement tous les pas, petits et grands, qui rapprochent la Suisse de l’Europe. Il a défendu activement les accords de Schengen, il défendra la libre circulation des personnes. Il est favorable au libre-échange agricole. La libre importation parallèle des produits brevetés en provenance de l’Europe, même unilatérale, aurait rapproché tant soit peu la Suisse du grand marché. Or, pour ce dossier, la présidente du Nomes a pris le risque de faire échouer le projet. Car sa stratégie est un chemin plein d’embûches. La motion Markwalder devra d’abord trouver une majorité dans les deux Chambres. L’étape suivante, une négociation avec Bruxelles, s’annonce fort délicate. Elle poserait des problèmes institutionnels. Un litige concernant l’application à la Suisse du système européen des brevets devrait être tranché par une instance d’arbitrage qu’il s’agirait de créer (DP 1730).
En bloquant un mini rapprochement au profit d’une négociation aléatoire, le Nomes espère prouver que seule une adhésion est capable de résoudre correctement nos rapports avec le reste du continent.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!