Pour l’observateur, l’image de la politique fédérale est détestable. Samuel Schmid s’est vu refuser par le Conseil national son programme d’armement; les médias qui relatent le vote parlent de «gifle»; le conseiller fédéral aurait pris une «gamelle». Son départ est annoncé imminent, ce ne serait qu’une question de jours; la nécro de sa carrière politique est prête.
Cette dramatisation d’une péripétie des combats de l’arène parlementaire, tous ces pouces renversés, est partiale – et surtout elle trompe sur les vrais enjeux. Samuel Schmid n’a pas été défaillant, quelles qu’aient été ses erreurs dans l’affaire Nef qui ont miné son autorité. L’éloquence, si brillante qu’elle aurait pu être, n’aurait pas modifié des décisions de vote préalablement arrêtées.
Ce qu’on masque en personnalisant sur Samuel Schmid, c’est le désaccord des partis gouvernementaux. En ne réélisant pas Christoph Blocher, ils s’engageaient à trouver un consensus minimal, même pas un programme commun mais ce qu’il faut d’entente pour ne pas être manipulé par une opposition forte de 30% du Conseil national. Cet accord n’a jamais été sincèrement recherché. La défense nationale était prédisposée à faire éclater cette absence de concertation des partis gouvernementaux: un département dépensier, consommateur de technologie coûteuse; une armée ayant ses valeurs et sa hiérarchie propres, son conservatisme, son idéologie. La vindicte de l’UDC à l’égard de Samuel Schmid se surajoutant aux tensions ordinaires sur ce sujet.
Mais on ne voit pas en quoi la démission de Samuel Schmid permettrait de trancher le nœud, surtout si elle a pour effet de faire élire un UDC pure souche.
Samuel Schmid, en restant à son poste, peut reprendre la main. Pour faire quoi? Constater d’abord qu’il n’y a pas de majorité au parlement pour le programme arrêté par le Conseil fédéral. Les votes ultimes de la session de décembre le confirmeront. En conséquence, il s’impose de procéder à un réexamen, en mettant au travail de réflexion toutes les «forces vives» engagées dans les relations internationales, l’aide internationale, la sécurité, la recherche historique (les historiens devraient avoir une place dans une réflexion globale sur la défense nationale), la technologie avancée. Le temps nécessaire à la discussion et à la synthèse implique un moratoire sur les dépenses nouvelles, au minimum de 3 ans, jusqu’en 2012. Le document devrait être prêt et rendu public pour les prochaines élections fédérales.
L’impasse politique actuelle démontre, au-delà des querelles partisanes, l’impossibilité de se satisfaire de simples adaptations. Samuel Schmid peut en faire le constat et reprendre l’initiative. Ce serait un geste fort, une réponse d’homme d’Etat à l’impuissance parlementaire. Alors, en 2011, le peuple aux élections fédérales pourra juger.
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