L’embellie aura été de courte durée. Ce printemps, les paysans décrochaient de haute lutte une augmentation du prix du lait industriel après celle obtenue en 2007. Euphorisés par la hausse des cours mondiaux, les grévistes réclamaient 30 centimes (DP 1783). Ils en ont obtenu 6. Les producteurs de lait destiné aux fromageries, qui bénéficient d’un supplément de prix parce qu’ils renoncent à l’ensilage, ont voulu à leur tour profiter de l’embellie. Et bien c’est raté. Malgré une nouvelle menace de grève, la hausse de 6 centimes vient de leur être refusée par les fabricants de Gruyère AOC. Dans la foulée, les distributeurs et les transformateurs envisagent pour 2009 de revenir sur leurs «largesses» de cette année.
Le vent a donc à nouveau tourné. Ou plus exactement le marché. La plupart des agriculteurs travaillent désormais en dehors des contingents laitiers qui disparaîtront totalement l’an prochain. Alléchés par la hausse des prix, les paysans ont augmenté la production. Il y a maintenant trop de lait. Dans le même temps, les prix se sont stabilisés dans l’Union européenne. Ils ont même baissé en Allemagne. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Les fromages suisses qui avaient augmenté de prix se vendent moins bien. Emmi, le grand fabricant de produits laitiers, exporte plus de 20% de sa production et sort d’une période difficile. Son patron crie au danger. La différence de prix du lait entre la Suisse et l’Union européenne est de nouveau de quelque 27 centimes. C’est trop pour espérer conserver et conquérir des parts de marché malgré le développement de nouveaux produits comme Energy Milk.
Avec la déréglementation du marché du lait, la cohorte des paysans doit négocier avec le groupe restreint des grands distributeurs et des transformateurs. Pour équilibrer ce combat inégal, les producteurs viennent de décider une coordination au niveau national de la négociation des prix et de la gestion des quantités. La consultation interne au sein de l’association est claire: plus de 80% en faveur d’une stratégie centralisée. L’instrument doit encore être affiné. L’organisation professionnelle aura pour tâche de faire pression sur les distributeurs et d’obtenir pour les paysans les conditions les plus favorables que peut consentir le marché. Elle devra aussi, et ce sera le plus difficile, contrôler le volume de la production de lait pour éviter les surplus dévastateurs. Elle ne rétablira pas le contingentement mais s’efforcera d’orienter la production par des taxes incitatives ou dissuasives. La Confédération se contentera de donner la force obligatoire à cette régulation. Les débats s’annoncent chauds au sein de l’organisation faîtière des producteurs de lait.
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