Petite victoire pour les libraires alémaniques. La Commission de l’économie et des redevances du Conseil national demande, à une courte majorité, d’introduire une loi réglementant le prix du livre. En 2005, la Commission de la concurrence interdisait une entente entre éditeurs et libraires qui imposait, outre Sarine, un prix unique pour le livre. Une loi spécifique permettrait d’introduire pour l’ensemble de la Suisse le régime aboli il y a trois ans.
Pour les partisans du prix unique, la concurrence compromet la diffusion de la culture. Les grands distributeurs et les supermarchés vendent les best-sellers au rabais et prive les petits libraires de revenus indispensables à leur survie. La diminution des points de vente réduit l’accès à la culture hors des grandes villes. La marchandisation de la culture restreint l’assortiment. Les bons livres deviendront difficiles à trouver. Cette argumentation vertueuse est démentie par les faits. Comme le relevait l’an passé le Conseil fédéral en réponse aux éditeurs alémaniques, la Suisse romande, qui ne connaît pas le régime du prix unique, conserve un réseau de librairies plus dense que la Suisse alémanique laquelle a vécu des années durant sous la protection illusoire de l’entente sur les prix. Une loi qui interdirait les distributeurs d’accorder des rabais ferait la fortune des vendeurs sur Internet (cf. DP 1708) qui ignorent les frontières.
Pour convaincre la faible majorité de la commission parlementaire, les éditeurs ont fait une large publicité à une étude anglaise. Les autorités de la concurrence britanniques ont cassé le cartel du livre. Les prix, libres depuis 1997,ont progressé près de deux fois plus vite que l’indice général du coût de la vie. Le prix réglementé freinerait donc les hausse et serait un cadeau pour les lecteurs consommateurs. Les auteurs de l’étude n’osent pas tirer la même conclusion. Ils constatent que, dans la même période, les ventes de livres ont massivement progressé de même que le nombre de titres édités. L’exemple britannique, qui ne prouve rien, donne donc des arguments aux partisans et aux adversaires d’une réglementation. La liberté des prix a moins de trois ans en Suisse alémanique. Il est donc difficile de dire quels sont les effets de cette nouvelle concurrence sur la structure du marché du livre. Une étude du Seco constate cependant que les grands distributeurs ont consenti à octroyer de gros rabais sur les best-sellers. En Suisse alémanique, les prix de catalogue, autrefois les prix fixes, ont progressé de 3,03 % l’an, alors que la moyenne des prix réellement pratiqués est restée pratiquement stable. La liberté a donc profité aux lecteurs de langue allemande.
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