L’idée lancée dans la presse dominicale alémanique par le conseiller national UDC Hans Kaufmann a tout de la proposition populiste. Elle a l’air honnête et pleine de bon sens, mais elle vise un autre but que celui qu’elle prétend atteindre.
Quoi de plus juste à première vue que d’exonérer les rentes AVS de l’imposition? Cette idée se base pourtant sur l’image largement dépassée, même si elle n’a pas totalement disparu, du petit rentier peinant à nouer les deux bouts. S’il existe, il ne paie déjà aujourd’hui que fort peu d’impôt, quelques dizaines de francs à la Confédération et à peine plus à son canton et à sa commune. C’est dire si une exonération n’aurait que peu de conséquences pour ce type de retraité.
La vérité, c’est que les rentiers AVS ont, dans l’ensemble, plus de fortune que les classes d’âge inférieures. Et qu’il y a davantage de pauvres chez les travailleurs et les familles monoparentales qu’il n’y en a chez les retraités. Parce que les besoins des premiers sont supérieurs à ceux des seconds. Parce que les personnes âgées bénéficient de l’épargne accumulée et parce que l’allongement de la durée de vie a retardé le moment de toucher un héritage.
Et surtout, le filet social est particulièrement bien développé en Suisse pour le troisième âge. Personne ne devrait avoir que sa rente AVS pour vivre. En effet, en l’absence d’autres revenus, s’y ajoutent les prestations complémentaires qui garantissent au retraité un revenu, si ce n’est confortable, du moins décent.
Bénéficieraient donc davantage de la défiscalisation de l’AVS les rentiers disposant de confortables revenus en plus de leur rente, qui sont donc imposés à des taux élevés. Il faut d’ailleurs rappeler que les cotisations à l’AVS sont, elles, déduites du revenu imposable, les rentes étant considérées comme un salaire différé. Si l’on remet en cause cette logique, il faudrait aller jusqu’au bout et imposer les cotisations.
Cette proposition pose encore d’autres problèmes. Le principal d’entre eux est le non-respect de l’égalité de traitement devant l’impôt. Pourquoi deux personnes qui ont le même revenu devraient-elles s’acquitter d’impôts différents? Pourquoi taxer l’ouvrier ou l’étudiant et pas le rentier?
L’imposition directe est construite sur le principe de la capacité contributive du contribuable, tout revenu devant être traité de la même manière. En attaquant ce principe pour flatter son électorat, l’UDC fait vibrer la corde des «pauvres rentiers» pour faire un cadeau aux plus riches.
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