Disjonction politique. Du Conseil fédéral est exigé un esprit d’équipe et la recherche du consensus. Mais les trois partis qui le composent et qui n’osent s’appeler gouvernementaux se fréquentent frileusement comme si leur liaison pouvait être compromettante.
Le président du parti socialiste Christian Levrat a proposé que s’ouvre interpartis une discussion sur la défense nationale. De gros projets, justifie-t-il, sont en préparation sans qu’au Conseil national une majorité parlementaire leur soit assurée. Mieux vaut donc, avant d’en découdre, confronter les prises de position. L’accueil à cette initiative fut réticent et discourtois. Sur un tel sujet, les socialistes seraient des partenaires peu fiables.
Cette réserve méfiante prouve que tous les partis représentés au collège gouvernemental n’ont pas encore pris acte du résultat des élections nationales. Bref rappel des chiffres. On décompte au Conseil national trois blocs d’égale force. L’UDC, 62 sièges, le centre-droit, 66 sièges, la gauche, 64 sièges. Le centre-droit se compose de 31 radicaux, renforcés par 4 libéraux, et de 31 PDC. La gauche recense 43 socialistes et 21 écologistes.
Ces chiffres prennent tout leur sens à partir du moment où l’UDC annonce qu’elle pratiquera, systématiquement, une politique d’opposition dans le but de faire la démonstration qu’il est difficile de gouverner sans elle. Malgré son effectif parlementaire impressionnant, l’UDC n’a pas la taille majoritaire qui lui permettrait de faire, à elle seule, échouer les projets gouvernementaux. Mais son opposition offre à tout parti ou à toute coalition regroupant 40 députés un droit de veto. Le calcul concerne tout particulièrement le parti socialiste. Souvent minoritaire dans un parlement clairement orienté à droite, il se voit conféré un pouvoir nouveau: celui d’être une minorité de blocage.
Les partis radical et PDC n’ont pas pris la mesure du changement. Ils finassent. Prêts à se joindre à l’UDC quand ça les arrange sur des sujets fiscaux ou sociaux, et prompts à dénoncer les socialistes s’ils exerçaient leur droit de blocage, stigmatisés comme pratiquant un acte «contre nature»! Et pourtant si les socialistes, refusant de joindre leurs voix à celles de l’UDC, s’abstenaient lors du vote, les partis du centre-droit, avec 66 voix, n’auraient aucune certitude de l’emporter.
Il est dès lors évident que les partis gouvernementaux doivent, s’ils veulent éviter le piège tendu, se concerter au moins sur quelques sujets fondamentaux, comme par exemple la défense nationale. Refuser d’entrer en discussion sous prétexte que l’interlocuteur aborde la confrontation porteur d’une autre histoire, d’une autre idéologie, n’est pas compatible avec la responsabilité gouvernementale assumée en commun. Si le parti socialiste est snobé et jugé, sur ce thème, peu fréquentable, le risque est grand qu’après avoir fait preuve ouvertement mais en vain de sa bonne volonté, il use de son pouvoir de blocage ou qu’il s’abstienne, laissant le centre-droit faire la preuve de sa faiblesse numérique. S’ouvrirait alors une vraie crise gouvernementale.
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