Le capitaine responsable de l’exercice militaire de rafting sur la Kander, qui fut fatal à cinq participants, était le président d’une association paramilitaire. Le but de cette association serait, rapporte la presse, de cultiver les vertus de l’endurance physique et de l’esprit chevaleresque. Et, naturellement, de conforter chez celui ou chez ceux qui dirige(nt) le plaisir de soumettre autrui à sa volonté à travers des épreuves réputées initiatiques.
Les valeurs qu’exalte l’armée, courage, don de soi, obéissance, ne trouvent pas en temps ordinaire de champ d’application dans le banal cantonnement et le «cours de répète». L’ennemi qui donne sens à l’engagement n’est pas aux frontières mais dans les tiroirs d’exercices d’état-major. L’institution militaire laisse donc place à des associations-sectes où se vivent, se recréent et s’exaltent les vertus du vrai combat.
Au lancement de Domaine Public (en 1963) nous avions révélé un exercice où des aspirants aviateurs étaient censés être tombés en territoire ennemi. Poursuivis, ils étaient arrêtés et torturés selon un simulacre poussé. La mise en scène avait été conçue par des officiers activistes, liés au civil par une idéologie et une organisation communes.
La tentation de l’armée est de considérer les activistes comme de bons éléments et de faciliter leur ascension dans la hiérarchie militaire. Ce fut à l’évidence le cas pour le capitaine responsable du drame de la Kander.
L’armée qui recrute et enrôle des hommes aux convictions diverses doit considérer comme contraire à son éthique qu’une idéologie militariste, sectaire, soit cultivée en parallèle aux engagements qu’elle requiert. Au lieu d’y voir une élite à favoriser, elle doit se méfier de ces zélateurs.
Le chef de l’armée, Roland Nef, en exigeant la démission de Walter Knutti, commandant des forces aériennes, a peut-être donné ce signal. C’est du moins ce que l’on souhaite. Mais ce sera au Conseil fédéral et à Samuel Schmid de le confirmer devant le parlement.
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