Un trait caractéristique de la personnalité de Jean-Claude Rennwald est son engagement pour des causes difficiles – l’unité du Jura, l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, l’abaissement à 36 heures de la durée du travail – sans que les obstacles non surmontés altèrent son optimisme. Preuve en soit son dernier éditorial de L’Evénement syndical (mercredi 28 mai) intitulé «Les cheminots quittent L’Evénement syndical. Dommage, mais nous irons de l’avant!».
Dommage! L’expression du regret est faible pour un rêve abîmé. Il y a quarante ans, à Domaine Public, nous étions frappés par la dispersion des journaux syndicaux. A chacun le sien! Proche du bulletin interne, absorbant beaucoup du temps d’un secrétaire syndical à temps complet. Alors que le regroupement que nous préconisions pouvait garantir un tirage important à la mesurer des effectifs additionnés et rendre possible l’engagement de journalistes professionnels.
Cet objectif impliquait que l’esprit syndical soit plus fort que les particularismes professionnels. Ce fut le cas, il y a dix ans, quand la FOBB et la FTMH créèrent en commun L’Evénement syndical, précédant et préparant la fusion des syndicats eux-mêmes, qui a donné naissance à UNIA. Une pièce importante du regroupement fut en 2003 l’adoption par le Syndicat du personnel des transports (SEV) du journal commun. Or les cheminots ont récemment choisi une autre politique: à la fin de l’année ils créeront leur propre journal qui paraîtra dans les trois langues nationales. Triomphe du communautarisme professionnel.
Remise à plat
«Nous irons de l’avant!», proclame Jean-Claude Rennwald. D’ici au mois de septembre, un groupe de travail présentera au Conseil d’administration des propositions qui assurent la pérennité du journal. Mais, en parallèle, ne sera-t-il pas opportun de faire un inventaire plus complet? En dix ans, la donne a changé: la percée foudroyante du Net, la création généralisée de forums dans les médias, télévision, radio et aussi dans la grande presse quotidienne, l’apparition des gratuits. Première question pour les syndicats: comment utiliser ces nouveaux supports, comment former des équipes capables d’intervenir dans les tribunes libres, dans les débats radiophoniques ou télévisuels?
Mais cette surabondance de possibilités d’intervention ne résout pas l’essentiel. Il manque à la gauche une documentation et une analyse suivie des comptes nationaux et des réseaux des détenteurs de pouvoirs. C’est le sens que nous donnions à «domaine public». La réalité sociale n’est pas, économiquement et sociologiquement, assez lisible. Or cette lecture est à portée de main, si l’on regroupe les compétences universitaires, syndicales, militantes.
L’inventaire devrait permettre de redistribuer les rôles. L’Evénement syndical a toujours le sien à jouer, nous en sommes persuadés. Mais sa place sera d’autant plus assurée que la gauche syndicale et politique aura fait un tour complet de l’état des lieux.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!