L’annonce par les autorités allemandes d’une filière liechtensteinoise de l’évasion fiscale a provoqué en Suisse un feu nourri en défense du secret bancaire. Le goût des riches contribuables d’outre-Rhin pour la fondation, cette discrète institution juridique créée par la principauté, a montré une fois encore avec quelle facilité les privilégiés de la fortune peuvent berner le fisc, y compris par le biais du secret bancaire helvétique. L’Union européenne et l’OCDE ne semblent pas prêtes à relâcher la pression sur ce dossier. L’accord sur la fiscalité de l’épargne ne permettra pas à la Suisse d’échapper encore longtemps à l’échange d’informations avec les autorités fiscales étrangères.
Lors de sa récente visite dans notre pays, Angela Merkel a dit du secret bancaire qu’il faisait partie de l’identité helvétique. On appréciera le sens de l’humour de la chancelière allemande qui sacralise ainsi une disposition légale qui date seulement d’avant-guerre. Ce sens de l’humour fait par contre défaut aux thuriféraires locaux de ce secret qui n’hésitent pas à placer le débat à un niveau philosophique. La propriété privée est une condition essentielle de la liberté, nous rappelle Le Temps (9 avril 2008), «L’offensive fiscale européenne est une attaque contre la propriété». Or une quote-part de l’Etat trop importante et une pression fiscale exagérée conduisent à une véritable confiscation de la propriété. Dans ces conditions, l’évasion fiscale relève de la légitime défense, proclame le banquier saint-gallois Konrad Hummler.
Et le secret fiscal de faire figure d’institution sociale permettant à l’épargnant d’échapper à la voracité de l’Etat. Complétez la démonstration par un portrait catastrophiste de la République fédérale – système social à la dérive, taux d’endettement faramineux – et vous comprenez que le contribuable germanique se voit contraint de tromper le fisc dans le seul but d’assurer ses vieux jours. Rappeler que l’Allemagne est un pays démocratique où le débat politique se déroule librement et où les autorités sont élues serait faire preuve de formalisme juridique.
Cette démonstration qui consiste à transformer des privilégiés en victimes et leur mépris des lois en réaction légitime à une prétendue violation des droits fondamentaux relève de l’indécence. Car ce sont celles et ceux qui, incapables d’épargner, ne disposeront à leur retraite que d’une maigre rente publique, qui sont à plaindre. D’autant plus que leurs concitoyens privilégiés se soustraient à leur élémentaire devoir de solidarité.
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