Depuis 1976, l’Union syndicale suisse (USS), la plus importante organisation de salariés du pays, connaît une lente et constante érosion de ses effectifs. La récente annonce d’une légère baisse du nombre de ses membres en 2007 ne surprend donc pas.
Ce phénomène n’est pas propre à la Suisse. Au cours des 30 dernières années, le taux de syndicalisation a chuté d’un tiers à 20% dans les pays de l’OCDE. Seuls la Belgique et les pays scandinaves, avec un taux supérieur à 70%, semblent résister à cette évolution négative car les syndicats y sont fournisseurs de prestations en matière de chômage et de maladie. Par ailleurs le syndicalisme s’est fortement replié sur le secteur public et parapublic et, dans les pays occidentaux, il regroupe d’abord les travailleurs âgés et relativement protégés.
L’individualisme contemporain est fréquemment invoqué pour expliquer l’essoufflement du syndicalisme. Thierry Pech, un ancien conseiller de la CFDT française, préfère y voir un effet de la transformation du système productif.
En Suisse comme ailleurs, les secteurs économiques à forte implantation syndicale ont vu chuter l’emploi au profit du secteur des services. Ce glissement a conduit au recul, voire à la disparition des grandes unités de production, les usines de l’âge industriel qui créaient des conditions de travail communes et favorisaient l’émergence d’une conscience collective. Les ateliers et bureaux de l’économie des services abritent des équipes plus réduites. Ces salariés sont engagés non pas pour leur force de travail interchangeable, mais pour leurs qualités individuelles, ce qui justifie une individualisation des rapports de travail et de la rémunération. A la carrière assurée et linéaire, au statut stable se substituent un parcours professionnel discontinu, la flexibilité et l’instabilité de l’emploi. Comment construire une défense collective des intérêts dans un système productif fragmenté qui externalise, délocalise et filialise et avec un salariat hétérogène, au sein d’un capitalisme «séparateur» comme le qualifie Thierry Pech?
Ce dernier suggère quelques pistes. Notamment celle de l’Internet tout d’abord qui, par le biais de forums, peut devenir le réceptacle des difficultés concrètes des travailleurs et favoriser la prise de conscience d’une communauté de destin. Des expériences aux Etats-Unis portant sur les accidents de travail et les maladies professionnelles semblent confirmer l’intérêt de cette piste. Pech suggère même que les syndicats aident leurs adhérents à s’équiper en matière informatique. Pech milite en faveur de la construction d’un syndicalisme véritablement transnational. Non pas tant par la mise en place de bureaucraties au sommet qui épousent les formes du pouvoir institutionnel – les secrétariats installés à Bruxelles par exemple –, mais un syndicalisme qui suit toute la chaîne du système productif sans souci des frontières et qui débouche sur des actions concertées. Par ailleurs une meilleure articulation des organisations syndicales avec les mouvements associatifs permettrait aux premières de participer aux débats sur les grands enjeux de société tels que par exemple l’environnement et le développement.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!