Sauf retournement de situation, le secteur principal de la construction en aura bientôt fini avec son vide conventionnel. La deuxième médiation entre syndicats et Société suisse des entrepreneurs (SSE) est parvenue à un résultat, qui semble cette fois convenir à Werner Messmer; le président de la SSE a promis de le défendre devant sa base. Laquelle avait rejeté le résultat précédent, mais il faut dire que le patron des entrepreneurs avait lui-même savonné la planche du compromis.
Ce conflit de branche faisait peser plusieurs menaces sur l’économie suisse. La première, celle d’un émiettement des conventions collectives de travail (CCT). Pour palier le vide conventionnel, syndicats et patrons genevois, tessinois et vaudois ont conclu des CCT cantonales. Et les partenaires sociaux bernois se sont entendu sur des salaires minimaux cantonaux, pour éviter la sous-enchère, alors que la commission tripartite zurichoise a fait le choix du libre marché et toléré des salaires de 10% inférieurs aux minima de la CCT caduque. Si le vide conventionnel avait persisté au niveau national, CCT et accords cantonaux se seraient multipliés, rendant la tâche difficile aux entreprises, souvent actives dans plusieurs cantons, aux travailleurs, qui auraient été confrontés à des conditions de travail et de salaire différentes en fonction de leurs lieux d’activité, et aux partenaires sociaux, qui auraient dû multiplier les négociations. Et renoncer durablement à une CCT nationale.
Ensuite le risque de radicalisation des organisations patronales. Les principales entreprises du secteur, dont les grands chantiers sont faciles à bloquer en cas de conflit collectif et qui comprennent mieux l’importance de la stabilité de la branche, s’opposaient à la dénonciation de la CCT et souhaitaient une sortie rapide de la crise. Mais elles étaient minorisées par une frange plus radicale de la SSE, composée surtout de petits patrons alémaniques proches de l’UDC. Et de plus en plus hostile à la négociation collective, perçue comme une entrave aux affaires, voire un diktat. Si cette faction parvenait à ses fins et torpillait une importante CCT, le partenariat social pourrait en être durablement affecté dans de nombreuses branches.
L’Europe enfin. Sans CCT dans ce secteur sensible qu’est la construction, les syndicats auraient été très tentés de prôner le non au renouvellement des accords bilatéraux et d’entraîner de nombreux salariés suisses sur le front du refus. Ce qui, conjugué aux attaques des nationalistes de tout poil, avait de fortes chances d’hypothéquer le maintien et la poursuite de la voie bilatérale. Mais la conclusion de l’accord ne saurait autoriser les syndicats à se reposer sur leurs lauriers. La votation approchant à grands pas, ils doivent désormais prendre clairement position, et surtout convaincre leurs troupes.
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