M. Pidoux semble être un homme intelligent, et on peut le remercier d’avoir bien voulu traiter cette question, importante non pas par sa nouveauté, mais au contraire à cause de sa décrépitude vénérable et poudrée. Cependant, il n’a saisi qu’une moitié de la perversité dans la formule qu’il critique. Certes, comme il le démontre, les rapports de pouvoir sont précodés dans les catégories disponibles à travers le langage ordinaire ; mais il n’est pas moins vrai que ces rapports de pouvoir sont mobilisés et perpétués dans et par des actes de parole. Or la parole n’est pas que la logique, les gens l’utilisent pour ? se parler !
Dans cette optique, la stratégie qui consiste à dire non pas d’une femme mais à une femme qu’elle est « intelligente » peut être comparée à la stratégie coloniale qui divise pour mieux régner. C’est une stratégie classique de cooptation, l’équivalent sur le plan du sexe de l’énoncé caractéristique du raciste bienveillant : « je n’aime pas les noirs/arabes/juifs, mais toi tu es différent». La femme intelligente qui aspire au statut de simple personne intelligente se verra mise devant un dilemme plutôt diabolique : accepter de jouer le rôle de l’exception qui prouve la règle, trahissant ainsi ses co-personnes du même sexe, ou refuser de le jouer, bloquant ainsi sa promotion au rang des élu(e)s.
Penelope Kwang, Lausanne
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