Donnant suite à la suggestion d’une lectrice (qui a bien voulu se charger de la tâche qu’elle proposait!), nous publions en traduction intégrale l’intervention de celui qui ne sera plus à la fois conseiller fédéral et chef de l’opposition dès le 1er janvier prochain (d’après le texte mis en ligne par le Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale). Pour l’édification des citoyennes et citoyens de ce pays.
Blocher Christoph, conseiller fédéral: Il y a quatre ans, j’ai été élu conseiller fédéral par ce Parlement. J’ai accepté le mandat découlant de cette élection et me suis mis au service de notre pays et de notre peuple avec toute ma force et au mieux de mes compétences et de ma conscience. Je ne tirerai pas ici le bilan de mon action; je le ferai le 28 décembre. Vous m’avez aujourd’hui retiré ce mandat, par le biais d’une élection – surtout d’une non réélection – sans vraiment en expliquer l’arrière-plan.
Une chose m’apparaît clairement – et c’est ce qui fait la beauté de ce pays: le Parlement peut évincer quelqu’un du gouvernement mais il ne peut pas lui enlever la possibilité de continuer son action politique dans le pays.
J’hésite entre soulagement, déception et indignation. Vous le comprendrez. L’indignation? A vrai dire, pas parce que vous avez élu un autre conseiller fédéral mais à cause de la manière dont vous l’avez fait.
Le soulagement, parce que, dorénavant – encore faudra-t-il que je fasse quelques progrès – je pourrai à nouveau dire ce que je pense; et parce que, dans le futur, je pourrai parler de choses qu’il m’était interdit d’aborder sous les excellents prétextes de collégialité, de concordance, etc. Alors que ces choses, en vérité, n’auraient pas dû être interdites. Voilà donc l’avantage: on peut maintenant parler de tout. La journée d’hier m’en a bien montré la nécessité.
Que n’ai-je pas entendu ces derniers mois – et je m’adresse ici particulièrement au PDC: la concordance – le saint des saints; la tolérance – la plus grande des vertus; la collégialité – au point de se renier soi-même; le secret de fonction – le plus souvent, il couvre beaucoup de saletés et de choses que personne ne devait voir. Etre dans l’opposition permet maintenant de dévoiler tout cela (opposition vient du latin opponere, ponere signifie «poser», ob signifie «contre», opponere signifie donc «poser contre»), pour autant que cela soit encore nécessaire après la journée d’hier.
Bilan, volonté populaire, bien du peuple, rien de tout cela n’a présidé à cette élection. Il fallait bien plutôt cacher quelque chose.
Je quitte donc ce gouvernement mais pas la vie politique. Toutes ces lettres inquiètes que j’ai reçues hier et encore cette nuit où se manifestait la crainte que j’abandonne la politique et que je me retire quelque part sur la Riviera – quelle erreur! Je vais me mettre corps et âme au service de la politique – hors du gouvernement (applaudissements partiels). Nous verrons ce qui en sortira. Peut-être cela amènera-t-il le gouvernement et, disons-le, surtout le Parlement à marcher droit par peur d’une opposition de qualité qui fera son travail. Voilà qui serait la meilleure des choses.
Vous devez donc vous contenter maintenant d’un gouvernement où seuls trois partis sont représentés et dont deux membres sont dorénavant exclus de leur fraction. Je vous souhaite bien de la chance. Et si je peux rassurer ceux qui ont peur que je me retire, je peux de même inquiéter mes adversaires: non, je ne me retire pas! (standing ovation du groupe UDC)
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!