Ayant reçu, grâce aux bons soins du Temps, le dernier texte de Christoph Blocher, un lecteur commente.
La seconde moitié du pamphlet est conforme à ce qu’on en attendait : des élucubrations anti-socialistes, anti-gouvernementales, anti-européennes, non dénuées de contradictions. [ ?]
Mais il s’y trouve un paragraphe plus intéressant, qui seul mérite d’être discuté. Car, en peu de mots, ce paragraphe sur le pessimisme et l’optimisme met en évidence les a priori philosophiques (ou idéologiques) de la droite et de la gauche.
Pour Blocher, la pensée de gauche est pessimiste, car « l’être humain […] trop faible […] a besoin […] de l’Etat ». Et la droite serait optimiste, parce qu’elle croit à la valeur « irremplaçable » , de chaque individu. Mais on peut aussi voir les choses de manière exactement inverse.
C’est en fait la gauche qui a péché par excès d’optimisme. Les humains étant par essence solidaires, mais le pouvoir étant aux mains d’une minorité de bourgeois « égoïstes », il suffisait Ð à la rigueur au moyen d’une révolution Ð de neutraliser ces « égoïstes » pour que s’établisse la société solidaire. L’Etat n’aurait alors eu d’autre but que d’organiser cette solidarité ; la police de traquer les criminels Ð et parmi eux les quelques «bourgeois égoïstes » qui auraient tenté de revenir à l’ancien système.
Il y avait, hélas, la même proportion d’égoïstes parmi les prolétaires que parmi les bourgeois. Pensant, au départ, lutter contre quelques égoïsmes résiduels, les Etats socialistes se sont retrouvés en train de combattre la majorité de leur population. Et au sein même des nouvelles autorités, ce ne sont pas forcément les plus « solidaires » qui ont su se propulser rapidement au pouvoir.
Le système « libéral » et capitaliste est fondé, lui, sur un a priori pessimiste. L’être humain étant par essence égoïste, [ ?] il faut canaliser les égoïsmes au lieu de les combattre. Plus un individu amasse de richesses pour son profit personnel, plus il y aura de retombées Ð ou de miettes Ð pour la communauté. Dans son principe, cette philosophie est détestable. Dans la pratique, c’est ce système qui marche le moins mal.
Après l’effondrement des régimes socialistes devenus totalitaires, la gauche a mis de l’eau dans son vin, et accepté le principe de l’économie de marché Ð avec quelques correctifs sociaux et solidaires. C’est un progrès, c’est même une grande victoire. Mais c’est une victoire du réalisme, pas de l’optimisme.
François Martin, Vevey
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