Vous connaissez sans doute la phrase attribuée à Druey (probablement à tort) : « L’Eglise nationale a pour but de maintenir la religion dans de saines limites ». S’il est un héritage bernois dans le canton de Vaud, c’est celui-là : la peur de la dérive sectaire est ancrée dans la mémoire collective. C’est pourquoi il vaut la peine d’examiner l’histoire pour s’expliquer comment cette peur est née et s’est incrustée.
« Le Saint-Esprit souffle sur le lac »
La conquête de 1536 a signifié l’adoption dans tout le Pays de Vaud, et plus seulement dans le bailliage d’Aigle, des mesures ordonnées pour la « purification religieuse », c’est-à-dire la confiscation par l’Etat de Berne de tous les biens des couvents, monastères, chapitres et évêchés Ð ne laissant aux collectivités locales que les biens attachés à la cure et destinés à pourvoir au traitement du curé, puis du pasteur. Ce système était pourtant très peu satisfaisant, provoquant la phrase bien connue : « Le Saint Esprit souffle dans la direction du lac » où se trouvent les cures les mieux dotées. Il y eut alors une seconde confiscation, celle de tous les biens curiaux par l’Etat avec son engagement à verser désormais en compensation un salaire égal pour tous les pasteurs. Comme cette décision date de 1803 et qu’elle est prise aussi bien à Berne qu’à Lausanne, j’imagine que l’Acte de Médiation n’y est pas étranger, car Napoléon était avant la lettre tout à fait partisan de l’adage Druey.
Depuis le Moyen Age, les communautés locales faisaient la fonction de paroisse, de commune et de bourgeoisie sans distinction. Quand il s’est agi de séparer les paroisses des communes, l’Etat de Vaud, toujours jacobin sans en avoir l’air, refusa aux premières le droit d’impôt, qui fut accordé dans la grande majorité des cantons suisses.
Mais cela privait l’Eglise catholique de tout secours de l’Etat, sauf dans le « bailliage d’Echallens ». Tant que la liberté d’établissement n’était pas reconnue, cela n’avait pas d’importance. Il a fallu près de quatre-vingts ans après la proclamation de cette liberté pour que l’on se préoccupe de cette situation : il était bien évident que les saisies de biens ecclésiastiques n’avaient pas lésé les catholiques, mais bien le refus du droit d’impôt. Il se trouva enfin une conjoncture politique qui permit de remettre Ð partiellement Ð l’église au milieu du village : pour lutter contre le « torrent marxiste », il fallait gagner les électeurs catholiques réputés conservateurs. Le système adopté à cet effet fut ressenti comme une injustice par les protestants conscients de ce qui se déroulait : l’Eglise catholique recevait à libre disposition une somme proportionnelle au nombre de ses membres tandis que les protestants restaient sous la tutelle de l’Etat.
Jacques de Roulet, Nidau
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!