Les journalistes doivent produire plus et plus vite. Pour des médias toujours plus mercantiles, ils doivent plaire au public et aux annonceurs en oubliant, s’il le faut, l’éthique professionnelle. Leurs salaires stagnent et parfois baissent. Ils sont nombreux à chercher une porte de sortie dans les services d’information des entreprises. C’est le sombre tableau que l’on peut tirer de la lecture des publications de la profession. Un groupe de journalistes romands s’est créé pour dénoncer l’influence croissante des annonceurs sur le contenu rédactionnel. Les journées d’études se multiplient pour analyser le malaise de la profession. En septembre, ils se sont interrogés à Berne sur «L’indépendance des journalistes dans l’étau de l’économie». En novembre, ils rechercheront les pistes qu’il faudrait suivre pour «revaloriser l’acte journalistique» et garantir la crédibilité de la presse.
Le climat de travail au sein d’une rédaction est difficile à apprécier si l’on n’est pas dans le bocal. En revanche, l’état des relations contractuelles entre partenaires sociaux est parfaitement lisible de l’extérieur. A l’automne passé, les journalistes romands ont accepté du bout des lèvres une convention collective qui, pour la seconde fois, est en régression par rapport au texte échu (DP 1704). En Suisse alémanique et au Tessin, il n’y a plus de convention depuis trois ans.
Pour tenter de reprendre pied, les syndicats de journalistes ont accepté de discuter de l’entrée des éditeurs dans le Conseil suisse de la presse. Cet organe, émanation des seules organisations de journalistes, définit l’éthique de la profession. Il veille au respect de la «Déclaration des droits et devoirs des journalistes». Mais pourquoi donc une profession qui entend défendre son indépendance accepte-t-elle de partager avec d’autre la définition de son credo? Les partisans d’un accord estiment qu’une participation des éditeurs renforcerait le poids du Conseil de la presse et améliorerait le respect de l’éthique. Ce serait plutôt du donnant donnant estime-t-on en Suisse alémanique. La participation des patrons de presse dans le Conseil contre la signature d’une convention collective. Les pragmatiques affirment que des négociations ont permis de créer des garde-fous pour éviter que les employeurs n’infléchissent le système en leur faveur. Mais ils reconnaissent également qu’aucune garantie n’existe pour la conclusion d’une convention collective en Suisse alémanique. Alors faut-il vendre son éthique pour un hypothétique plat de lentilles? Que l’on accepte de poser aujourd’hui cette question montre à quel point la profession de journaliste est en crise.
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