Zurich, samedi 22 septembre. Une manifestation rassemble 17’000 personnes qui exigent du patronat de la construction de revenir à la table des négociations sur la convention collective de travail (CCT) nationale. Parmi les slogans – «Sans convention collective pas d’autoroutes», «…pas de tramways», «…pas de logements», un mot d’ordre décalé – «Sans convention collective pas de libre circulation des personnes» – sur lequel il faudra revenir (voir aussi DP 1734, DP 1748).
Mais une question essentielle n’apparaissait ni sur les banderoles ni dans les slogans scandés sur le parcours: «Sans convention collective pas d’organisations syndicales»? Y a-t-il aujourd’hui en Suisse une place pour un syndicalisme sevré de conventions collectives et de partenariat social?
Depuis la signature en 1937 de la convention dite de paix du travail dans la métallurgie et l’horlogerie, les relations conventionnelles concernant le rapport salarial ont été les fondements des relations syndicats – patronat et l’un des piliers de la société de concordance qui a marqué la Suisse jusqu’à la fin du vingtième siècle. Pour négocier il faut être deux. Le vide créé par la rupture patronale ne pourra donc pas être ignoré par les syndicats. Pour pallier ce vide, deux voies peuvent être envisagées.
La voie politique tout d’abord. Exiger des Chambres fédérales qu’elles légifèrent sur les conditions de travail, y compris sur les salaires dans les secteurs d’activité de l’économie helvétique privés de CCT. En 1996, dans une situation de tension entre syndicat et patronat, Vasco Pedrina, alors président du Syndicat de l’industrie et du bâtiment (SIB), avait envisagé dans son discours d’ouverture du congrès de Locarno la possibilité pour les syndicats d’emprunter cette voie en cas de rupture prolongée du partenariat social.
La voie de l’action directe ensuite, qui consiste pour les syndicats, au cas par cas, à obliger un ou des patrons à négocier sur tels ou tels aspects des conditions de travail par des manifestations publiques parfois dures. Une voie suivie pendant quelques années après la fin de la deuxième guerre par la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB), notamment par sa section genevoise, face des patrons rechignant à traiter avec les ouvriers.
Ces deux voies ne s’excluent pas, mais depuis longtemps elles n’ont pas ou peu été pratiquées, même si l’on a pu noter ces dernières années une recrudescence des mouvements revendicatifs menés par les organisations syndicales. C’est un apprentissage que devront faire les syndicats de la construction, dont UNIA, pour s’approprier ou se réapproprier ces deux lignes si, comme c’est probable, le patronat persiste dans sa position actuelle.
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