François Cherix ne tient pas, il dresse le procès-verbal des manquements de Christoph Blocher au bon usage de la politique suisse, qu’il s’agisse des lois écrites ou de la pratique respectée par tous. Récapitulation utile, car la mémoire des citoyens est souvent courte ou indulgente. Et pourtant on ne saurait oublier l’affaire Swisscom où Christoph Blocher révèle aux médias une décision ultraconfidentielle du Conseil fédéral, celle de refuser à l’entreprise l’autorisation d’acquérir des participations étrangères. La valeur boursière de l’entreprise en fut lourdement affaiblie. La recension de Cherix s’arrête en juin 2007 à 33 transgressions. Mais Blocher étant destiné à rester ce qu’il est, le listing n’en restera pas à ce chiffre médical ou magique.
Comment arrêter la course du tribun. C’est le sens de ce livre qu’il faut lire comme une contribution motivée pour un sursaut du parlement et du corps électoral qui élira ce parlement. La mise en perspective est donnée par l’enjeu européen, et le dimanche noir du 6 décembre 1992, et se prolonge par l’échec de l’initiative «Oui à l’Europe» dont Cherix donne une présentation plus théâtralisée qu’analysée. L’UDC a su, à son profit, sans hésitation et sans scrupule, capter le besoin identitaire de ceux qu’effraie l’Union européenne.
Mais rien n’est définitivement joué, et François Cherix d’en appeler à un retour de la concordance politique, les partis gouvernementaux s’accordant sur quelques options fondamentales. Le premier acte devrait alors être le refus de la proportionnelle garantissant deux sièges à l’UDC.
Avec son art du portrait en pointe sèche, Yvette Jaggi, qui signe la préface de l’essai de François Cherix, esquisse quelques traits de la personnalité de Christoph Blocher et son double jeu (Doppelrolle), étant à la fois Blocher und Bundesrat. C’est mordant, non sans une pointe d’admiration pour le professionnalisme et l’habileté du portraituré, capable avec son parti de dicter l’agenda médiatique.
A retenir, empruntée à Helmut Hubacher, cette citation d’un entretien accordé en 1983 au TA-Magazin par C. Blocher, alors président de l’UDC zurichoise: «Si j’ai la foi? Il n’importe pas de savoir si je crois ou non en Dieu. Il importe seulement que Dieu croie en moi.».
Mais le point fort et politique de cette préface est la critique de la position du PS et de son respect frileux de la proportionnalité qui devrait régir la composition du Conseil fédéral.
Citation (p. 11):
Mais il n’est pas trop tard pour corriger les choix stratégiques.
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François Cherix, Christoph Blocher ou le mépris des lois. Préface d’Yvette Jaggi. Ed. Favre, 2007
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