En dépit du vent contraire soufflant sur le pays depuis que Ruth Metzler, lors d’un précédent scrutin, a commis l’irréparable erreur de faire un tremplin à Blocher par ses propos et son comportement, l’électorat rose nous est demeuré fidèle. En Suisse romande, il a même fait mieux. Il a conservé ses positions dans le Jura et à Fribourg, où un gain au National a compensé la défaite de Pierre Aeby aux Etats. Pour la première fois, il emporte un 2e siège en Valais, avec le jeune espoir Rossini. Il triomphe même à Neuchâtel où, grâce à la locomotive Jean Studer et à Fernand Cuche, la majorité de la députation à Berne lui appartient. Il connaît également la victoire dans le canton de Vaud où Michel Béguelin fait disparaître les libéraux du Conseil des Etats.
Il faut bien voir que le succès global des socialistes vaudois, passant de cinq à six représentants à Berne, est dû notamment au dépôt d’une forte liste féminine, avec, en tête, trois Lausannoises dont l’élue, Marlyse Dormond. L’électorat n’a pas été loin d’élire aussi la deuxième, Géraldine Savary, bien connue des lecteurs de ce journal. Dans tous les cas, la liste féminine a contribué à l’élection de quatre hommes de la liste apparentée. Mais elle comportait encore d’autres candidates de qualité, de Lutry ou d’ailleurs. Il n’en reste pas moins que le nombre des listes socialistes féminines demeure nettement inférieur à celui des listes masculines, montrant une fois de plus l’abstention déplorable des femmes de condition sociale modeste voire précaire, ce qui arrange certains hommes fiers de leur position exclusive de citoyen-soldat. Les femmes socialistes conservent donc un potentiel de progrès à prendre au sérieux. Les hommes aussi d’ailleurs.
Un autre enseignement s’est vu confirmé par les récentes élections. Certains stratèges de droite essayant encore d’exploiter à leur profit la frayeur du communisme sont des attardés. Comme l’exprime plaisamment une métaphore alémanique bien connue, les communistes sont devenus salonfŠhig. Ce qui signifie en français que les gens de la «bonne» société peuvent désormais inviter un chef communiste. Ils ne risquent plus de le voir brandir le poing gauche en avant en prenant sa tasse de thé. Il lèvera plutôt le petit doigt de la main droite.
Pierre Graber, ancien conseiller fédéral
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