En Suisse, le rationnement des soins est une réalité. L’Académie suisse des sciences médicales l’affirme dans un récent rapport. Elle réclame dès lors un débat public et des critères transparents auxquels le personnel soignant puisse se référer.
Le problème n’est pas nouveau. En 1999 déjà, à la suite du refus d’un hôpital d’administrer un traitement extrêmement coûteux – entre 500’000 et un million de francs – à un ancien conseiller fédéral, la discussion fût vive dans les médias. La Fédération des médecins suisses demandait des règles claires. Pour Hans Heinrich Brunner, son président à l’époque, le dilemme auquel sont confrontés les thérapeutes – tout faire pour le bien des patients et assumer les conséquences d’une limitation des moyens – est insupportable.
Pourtant lignes directrices et établissement de priorités font toujours défaut. Le personnel soignant est contraint de pratiquer un rationnement des soins au cas par cas et dans la plus grande discrétion. Dans les départements hospitaliers de soins intensifs, le nombre limité de lits et d’effectifs impose des arbitrages. Et la venue sur le marché de médicaments et de traitements sophistiqués toujours plus onéreux va encore aggraver ce rationnement implicite.
Les soignants ont raison d’exiger un débat public et des décisions politiques pour éviter l’arbitraire et un traitement inégalitaire basé sur l’âge ou la situation financière. Mais ce débat nécessaire ne doit pas cacher le gaspillage important qui règne dans le secteur de la santé. Là, c’est une opération de rationalisation qui s’impose, tant au niveau hospitalier que dans le secteur ambulatoire : baisse du nombre trop élevé d’hôpitaux et de lits, recours systématique aux médicaments génériques, de manière générale promotion d’une médecine basée sur des évidences et non pas sur l’usage inconsidéré de toutes les thérapies possibles. Plusieurs experts évaluent le potentiel d’économies à 20% des dépenses de santé, à prestations d’égale efficacité. Les ressources ainsi économisées permettraient d’améliorer la qualité des prestations. Mais rationaliser implique de s’attaquer aux structures d’un système de santé dans lequel trop d’acteurs ne sont pas incités à faire un usage économe des moyens disponibles. Le risque existe que le rationnement s’impose à cause de notre incapacité à changer ces structures.
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