Cette interview fut un moment radiophonique rare. Celui où la personne interviewée ne parle plus langue de bois ou langue de fonction, mais dit sans apprêt, c’est-à-dire crûment, ce qu’elle pense.
Madame Calmy-Rey recevait deux journalistes du Forum de la RSR. Interrogée sur le déroulement de la campagne électorale, on l’entendit répondre d’abord avec des expressions surveillées, faire l’éloge de l’ouverture, stigmatiser l’exclusion puis, ramenée par ses interlocuteurs plus particulièrement à la propagande de l’UDC, elle relâcha le contrôle de son discours et livra sa réaction brute : « ça me dégoûte », dit-elle, et sur sa lancée d’en appeler à une réaction populaire vigoureuse et généralisée.
Ce qui « dégoûte » dans cette propagande de l’UDC, ce qui fait que l’on passe du politique à l’éthique, c’est qu’elle cumule le cynisme de la publicité et le cynisme de la propagande. Elle vend de l’exclusion avec des images-choc en jouant sciemment sur le sentiment d’insécurité et de peur. Elle introduit, sous prétexte de dénoncer les « z’abus », l’ère du soupçon.
Christoph Blocher, dans son interview au Matin (25.8) en donnait un inquiétant exemple. Il se félicitait de ce que la presse annonce la nationalité des auteurs d’un crime ou d’un délit. Puis d’ajouter : Et quand ils sont suisses, l’opinion est amenée à se poser la question : depuis quand sont-ils suisses ? L’ère du soupçon initiée par le ministre de la Justice !
La réaction souhaitée par Micheline Calmy-Rey ne peut pas être, simplement, le refus de voter UDC. Ce parti, même s’il devait connaître le succès, ne dépassera jamais le 30% des suffrages. Ce qui serait inquiétant, mais ce qui signifie aussi que plus des deux tiers des Suisses ne le suivent pas, c’est-à-dire une majorité plus que qualifiée.
Mais le scrutin ne se joue pas au système majoritaire. La proportionnelle dès lors incite ceux qui sont sans foi ni loi à un style de campagne délibérément cynique où l’objectif est d’entraîner le tiers des électeurs. La réponse devrait être l’isolement de l’UDC. Or la droite, notamment les radicaux, passe avec elle des alliances pour faire échec à la gauche. Par exemple, hélas significatif, à Zurich ou dans le canton de Vaud, ou plus récemment encore dans le Jura. C’est contre cette connivence qu’il faut réagir. Le cynisme de la propagande et de l’action UDC demande non seulement qu’on se détourne de ce parti, mais encore qu’on n’accepte pas de le faire entrer dans des calculs électoraux tactiques.
Et quand les alliances sont déjà conclues, il faut sanctionner ceux qui les ont scellées.
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