Le projet radical de simplification de la fiscalité directe (SwissEasyTax) a au moins un mérite, celui d’ouvrir le débat sur un dossier depuis trop longtemps délaissé. Pour le surplus, le modèle proposé reste très vague, trop pour qu’on puisse se forger une opinion.
Les radicaux ont raison: la fiscalité directe fédérale et celle des cantons sont d’une effroyable complexité. Le contribuable moyen se perd dans le dédale des directives et des nombreuses déductions autorisées. Une complexité qui fait l’affaire des conseillers fiscaux et autres fiduciaires. Par ailleurs ces déductions entament sérieusement la progressivité de l’impôt: en particulier les contribuables aisés réussissent par ce biais à adoucir la courbe du taux d’imposition. Une analyse de la Commission genevoise d’évaluation l’a clairement mis en évidence. Grâce aux déductions, un tiers des revenus bruts n’est pas imposé, ce qui a représenté pour Genève, en 1997, un manque à gagner fiscal de 1,7 milliards de francs. Au niveau fédéral, on estime que ce manque à gagner représente 50% des rentrées fiscales.
Au fil du temps, les déductions se sont multipliées, au gré des pressions de différents groupes d’intérêt et au service de diverses politiques – soutien à la famille, accès à la propriété immobilière par exemple –, quand ce n’est pas en contradiction avec d’autres politiques: ainsi des frais de déplacement qui favorisent la dispersion de l’habitat, alors que l’aménagement du territoire cherche au contraire le regrouper. Et voilà que les démocrates-chrétiens proposent maintenant la déduction des allocations familiales.
Enfin les quelque 7000 fonctionnaires du fisc à Berne, dans les cantons et les communes passent plus de temps à contrôler le bien-fondé des déductions annoncées, au détriment du contrôle des revenus déclarés.
Paradoxalement, les radicaux ne tirent pas toutes les conclusions de cette critique justifiée. Ils maintiennent des déductions, par exemple celles dont bénéficient les propriétaires immobiliers et n’arrivent pas à se décider ni sur le nombre ni sur le niveau des taux. La campagne électorale n’incite pas à la lucidité et au courage.
La véritable innovation consisterait à supprimer toutes les déductions, seuls les prélèvements obligatoires – AVS, deuxième pilier, pensions alimentaires notamment – pouvant être soustraits du revenu brut. Quant aux diverses politiques qu’on a cru bon de faire transiter par la fiscalité, il suffirait d’en payer le coût, en versant une allocation aux bénéficiaires ou aux institutions qui fournissent les prestations. L’augmentation du volume des rentrées fiscales à la suite de la suppression des déductions libérerait suffisamment de moyens et permettrait peut-être même de baisser les impôts. L’efficacité des politiques et l’équité fiscale ne pourraient qu’y gagner.
Une fois ce pas franchi et le maquis fiscal éclairci, on pourrait alors débattre d’une réduction du nombre de taux, voire même d’un taux unique assorti d’une franchise fiscale de base. Mais ce débat exigera des données précises permettant d’évaluer le volume des rentrées fiscales et d’en évaluer la répartition entre les différentes catégories de revenus.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!