Expression phare des droits populaires, l’initiative jouit d’une faveur persistante, à gauche et dans le mouvement associatif comme dans la droite populiste. Elle permet aux citoyennes et citoyens qui la signent de faire connaître leurs propositions, de manifester leurs attentes, plus généralement de mettre leurs revendications à l’ordre du jour.
Le législateur et la technique s’unissent pour faciliter continuellement l’exercice du droit d’initiative. Ainsi, l’an dernier, deux cantons au moins ont réduit le nombre de signatures nécessaires pour faire aboutir une initiative populaire: de 10’000 à 6’000 paraphes à récolter en six mois à Zurich (sur plus de 800’000 personnes ayant le droit de vote) et de 4000 à 3000 en 18 mois à Bâle-Ville (sur 112’000). Le résultat ne s’est pas fait attendre: en un an et demi du nouveau régime, 16 initiatives cantonales ont été lancées à Zurich. Nul doute que les élections cantonales du printemps 2006 et nationales de cet automne ont motivé les principaux partis ainsi que diverses organisations écologiques et socio-professionnelles, toutes influentes et fortes d’un grand nombre d’adhérents, à intervenir sur le “marché” des initiatives pour donner leur avis en matière d’impôts, de santé, de crèches ou de transports.
Par ailleurs, les méthodes de récolte des signatures ont beaucoup évolué. En moins de dix ans, on est passé d’un contact humain, devant les bureaux de vote désertés par des citoyens donnant désormais en grande majorité leur avis par correspondance, à une procédure virtuelle, rapide et avantageuse, celle du téléchargement des feuilles de signatures transmises par courrier électronique ou sur le Net. Après la démocratie au bout du stylo, voici donc celle du click de souris.
Mais le marketing politique fait plus fort encore, et plus cher. Pour les organisations qui peuvent se la payer, il y a désormais la démocratie tous ménages («toutes boîtes» comme on dirait au Québec). Première mise en œuvre: l’envoi par l’UDC, en guise de cadeau de 1er Août à tous les ménages de Suisse, d’un dépliant avec feuille pour deux signatures en faveur l’initiative populaire fédérale qui demande “le renvoi des étrangers criminels”. Le coût de l’opération dépassera très largement le million de francs, dont 500’000 CHF de frais de diffusion couverts par un donateur anonyme, auxquels s’ajouteront sans doute plusieurs centaines de milliers de francs de retours en port payé par le destinataire – avec ou sans signatures apposées (voir la consigne circulant en Suisse alémanique, répercutée dès le 30 juillet sur le site de DP et le lendemain dans Le Temps).
En fin de compte, il n’y aura bientôt plus que la démocratie d’extrême proximité, du type participation dans les quartiers, pour échapper au marketing électoral et au sponsoring des droits populaires, qui ont l’un et l’autre fait leurs preuves. En effet, en passant de la récolte militante de signatures à leur collecte sur le Net ou par prospectus tous ménages, les initiants peuvent mesurer le rendement de leur travail non plus seulement en nombre de paraphes obtenus dans les meilleurs délais, mais aussi en termes de gains de notoriété et amélioration d’image pour le parti ou l’organisation qui les “emploie”. Sauf que le tout a un prix: celui qui fait de la démocratie directe un système coûteux, à la portée des seuls organismes à la fois nantis et organisés.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!