La libre circulation des travailleurs entre la Suisse et l’Europe des Quinze est totale. Les contingents qui subsistaient encore sont éliminés depuis le 1er juin. Berne affiche sa satisfaction. Le courage a payé. Selon une étude du Seco, les Européens n’ont pas volé le travail des Suisses. Dans les secteurs où le nombre des immigrés a fortement progressé, les Suisses ont également connu une hausse de l’emploi. Le Seco nie aussi que la concurrence étrangère ait eu un effet modérateur sur les salaires. Difficile à prouver. On ne peut pas cependant oublier que, en dépit d’une conjoncture économique favorable, la progression des salaires est restée fort modeste, si l’on excepte celle de Marcel Ospel ou autres Vasella. Le contingent annuel de 15’300 permis de longue durée, en vigueur jusqu’au mois passé, a été régulièrement épuisé. Avec sa levée, l’immigration pourrait donc connaître une nouvelle progression. Mais le Seco se veut rassurant. Les Européens au bénéfice d’un permis de courte durée, qui sont donc déjà en Suisse, occuperont les emplois fixes disponibles. Ils changeront simplement de statut.
En disant oui à la libre circulation des personnes, les électeurs suisses, en large majorité des salariés, ont accepté de prendre le risque de participer pleinement aux contraintes, mais aussi aux avantages de la grande Europe. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord avec Bruxelles, 6500 Suisses supplémentaires se sont installés en Europe. Le bilan dressé aujourd’hui montre qu’ils ont eu raison d’être audacieux.
On aimerait que cette prise de risque des salariés serve d’exemple. Les paysans envisagent avec crainte un libre échange agricole qui ferait pression sur leurs prix, mais ouvrirait un énorme marché à leurs spécialités. L’industrie pharmaceutique oppose son veto à une protection européenne des brevets qui pourtant ne met pas en cause ses efforts de recherche. Elle ne veut pas abandonner la stricte protection nationale qui lui assure quelques marges juteuses sur le marché suisse. Par crainte d’atteinte à leur secret, les banques diabolisent l’Europe.
L’économie idéalise la prise de risque. Mais c’’est elle qui refuse le défi de l’adhésion à l’Union. Les travailleurs sont dans l’Europe. Les entreprises veulent rester en dehors.
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