Election présidentielle en France, renouvellement du Parlement en Suisse, les sondages d’opinion se succèdent à un rythme accéléré. Les candidats, en France du moins, ajustent leur campagne en fonction des résultats obtenus. Mais ce miroir en permanence tendu reflète-t-il vraiment les préférences politiques du corps électoral à un moment donné? Et si l’image qu’il impose contribuait à son tour à façonner l’opinion?
L’analyse des sondages eux-mêmes révèle des pratiques étranges. On apprend ainsi que les instituts procèdent à des redressements: les données récoltées sont corrigées selon de savantes formules tenues secrètes. Car les sondeurs ne croient pas les sondés sur parole. Le sympathisant de Le Pen n’aime pas, paraît-il, se déclarer comme tel. D’où la nécessité de ces corrections qui, secret commercial oblige, échappent à toute critique méthodologique. Les sondeurs, méfiants à l’égard des sondés, exigent des lecteurs la foi du charbonnier.
De manière générale, on sait que la structure des questionnaires et la nature des énoncés influencent grandement les réponses. Des tests montrent que les personnes interrogées ont tendance à minimiser leur mécontentement lorsqu’elles sont préalablement confrontées à des événements graves. Le taux de satisfaction à l’égard de la relation conjugale est plus élevé si la question précédente porte sur la satisfaction en général; il baisse lorsque la question sur la satisfaction en général vient en second lieu.
La structure de l’échelle proposée influence également les réponses. 21% des personnes invitées à s’exprimer sur la fréquence de leur sensibilité aux variations météorologiques ont répondu «plus de deux fois par mois» sur une échelle allant de « jamais » à « plus de deux fois par mois ». Dans un groupe de contrôle, elles furent 75% à donner la même réponse sur une échelle allant de «deux fois par mois» à «plusieurs fois par jour».
De nombreuses recherches empiriques confirment le rôle de la mémoire: lors d’un sondage téléphonique, la dernière des réponses à choix sur une liste est la plus fréquemment choisie. Sur une liste d’affirmations qui se suivent, le taux d’approbation est plus faible que si ces mêmes affirmations sont proposées de manière séparée.
Ce qui est présenté comme une opinion ou un fait statistiquement fiable ne correspond trop souvent qu’à des préférences induites par le questionnaire lui-même. Reste à savoir s’il s’agit d’incompétence ou d’une procédure dictée par la volonté d’aboutir à des résultats déterminés.
NB. Les exemples cités sont tirés d’un article paru dans le Tages Anzeiger du 31 mars 2007 sous le titre Die verborgenen Tricks in Fragebögen.
Sur le site du journal Le Monde, on peut suivre graphiquement, dans le temps et institut par institut, l’évolution des intentions de vote pour la prochaine élection présidentielle prêtées aux Français par les sondages.
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