Dans la plupart des votations en Suisse, l’écart entre les sondages et le résultat réel laisse rêveur. L’initiative sur la caisse unique a été rejetée par 71,2% des votants contre 28,8%. Or, dans les derniers sondages publiés au début mars, la non à la caisse unique était revendiqué par 52% de la population contre 35% de partisans du oui et 13% d’indécis.
Cet énorme écart est fréquent lors des votations. Dans notre pays, les sondages sont des exercices sans intérêt car toujours loin de la réalité. Comment expliquer cette situation singulière, alors que si les sondages politiques se trompent parfois dans les pays voisins, ils ont néanmoins atteint un niveau de crédibilité très élevé ?
D’abord un facteur purement arithmétique. Le résultat final d’une votation mentionne les oui et les non. Les sondages comptent séparément les indécis. Si l’on élimine cette catégorie du résultat du sondage en admettant que la répartition des incertains suivra celle des partisans déclarés des oui et des non, le résultat du sondage sera de 60% de non et 40% de oui, score certes encore éloigné du résultat final, mais plus lisible et plus proche de la réalité du vote.
Le poids des abstentions est une autre explication. Il n’est pas très bien vu de s’abstenir et il n’est pas exclu qu’un certain nombre de personnes interrogées par les sondeurs indiquent une préférence et choisissent finalement l’abstention. Cette catégorie de personne appartient-elle à un camp plutôt qu’à un autre ? Impossible à estimer, mais cette hypothèse n’est pas absurde et elle fausse le résultat du sondage.
Un sondage est d’autant meilleur qu’il se déroule au sein d’une population homogène. La France est un cas emblématique. On y parle français, le terreau d’origine de la population est massivement catholique – plus de 90% – la tradition centralisatrice a contribué à renforcer l’homogénéité de la population. La France est donc la paradis du sondeur. A l’inverse, notre pays n’a pas d’unité linguistique, ni religieuse et chaque canton a son propre paysage politique. Un sondage national est un véritable défi et nécessiterait pratiquement des sous-sondages dans chaque canton pour être crédible !
Ces raisons ne sont pas les seules, mais elles expliquent pour une large part l’extraordinaire imprécision des sondages. Alors pourquoi en faire, direz-vous ? Et si c’était un simple phénomène d’imitation des médias étrangers, un effet de mode qui nourrit le commentaire facile d’avant votation mais sans substance réelle ?
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