Pour remettre en cause la pratique fiscale de certains cantons suisses, la Commission de l’Union européenne invoque l’Accord de 1972 sur la libre circulation des marchandises qui interdit les aides directes capables de fausser la concurrence. Il lui aurait donc fallu plus de trente ans pour repérer cette distorsion. Un temps de réaction aussi long pour découvrir l’applicabilité de l’Accord révèle l’artifice de la construction juridique qui justifierait la plainte. Ce qui permet au Conseil fédéral de ne pas entrer en matière, avec l’assurance de ceux qui se croient dans leur droit.
En fait l’UE aurait pu justifier son intervention, sans base légale, en se référant à un précédent, l’Accord sur la fiscalité de l’épargne, même s’il était alors une pièce de la négociation multipack des bilatérales II. Et il aurait été aussi possible, et même plus simple, de s’appuyer sur le droit non écrit qui requiert entre des partenaires si étroitement liés une obligation et un devoir de loyauté.
Sur les sociétés d’administration
Il y a des sociétés qui ont en Suisse un domicile, une adresse et une boîte aux lettres, et dont l’activité commerciale s’exerce à l’étranger sans qu’elle y soit organisée par des établissements stables. La Confédération, par l’impôt fédéral direct, impose les bénéfices de ces sociétés lucratives au taux de 8,5%. Elle ne prévoit pour elles aucun statut particulier. Elle autorise simplement une réduction pour les dividendes résultant de participations déterminantes et elle n’impose pas les bénéfices des établissements stables sis à l’étranger, ce qui est conforme au droit international. En revanche, et c’est cela que l’UE conteste, une grande marge d’appréciation est laissée aux cantons par la Loi sur l’harmonisat ion, qui sur ce point ne mérite pas son nom. Des sociétés à statut particulier sont autorisées (article 28, alinéas 2 et 3). Les cantons en profitent pour apprécier la part des revenus qui ne sont pas de source suisse. En règle générale, les revenus de sources étrangères ne sont pas imposés, notamment par les cantons qui s’en sont fait une spécialité et une réputation internationale.
La question simple que l’UE est en droit de nous poser légitimement est dès lors la suivante : pourquoi, alors que la Loi sur l’harmonisation règle les moindres détails pour définir la matière imposable afin qu’elle soit identique pour les trois niveaux, Confédération, cantons, communes, pourquoi, précisément pour les sociétés les plus « fuyantes », une marge d’appréciation est-elle laissée aux cantons, dont certains abusent ?
Or il ne s’agit pas de cas particuliers et occasionnels, mais d’une politique systématique dont quelques cantons ont montré l’efficacité. Et, comble de l’hypocrisie, cette pratique est encouragée de fait par la Confédération qui ristourne 15% de l’IFD aux cantons, y compris à ceux qui ont su attirer par des procédés spécieux des sociétés qui cherchent à minimaliser l’impôt.
Réforme
La Confédération prétend ne pas vouloir négocier mais expliquer et dialoguer. On préférerait que spontanément elle engage la réforme. Il suffirait de réviser la Loi sur l’harmonisation. Décréter que tous les cantons appliquent aux sociétés à but lucratif le même droit que la Confédération ne serait pourtant pas capitulard. Qu’on ne nous fasse pas le coup du faux patriotisme ! Mourir pour une boîte aux lettres zougoise, non merci.
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