modèle à tous égards et réussite manifeste depuis 70 ans, la Loterie
Romande (dites LoRo) se sent incomprise et malmenée, en raison même de
son exemplarité et de ses succès. Où l’on voit des juristes bornés de
la Berne fédérale, des concurrents jaloux et des politiciens
moralisateurs se liguer pour empêcher la LoRo d’accomplir sa mission de
pure utilité publique, concrètement de redistribuer la totalité de ses
quelque 180 millions de bénéfice annuel, tous gagnants et frais payés.
Le cri de la poule aux œufs d’or que d’aucuns voudraient arracher de
son nid, c’est l’ancien conseiller d’Etat jurassien Jean-Pierre Beuret
et encore président de la Loterie romande qui le pousse. Dans une toute
récente livraison de la collection «Le savoir suisse», catégorie
Opinion, il défend «Le premier mécène romand en péril». D’un ton vif et
parfois rageur, il rappelle l’histoire des jeux d’argent et la faveur
dont ils jouissent chez les humains, alignant les arguments pro LoRo.
Voilà une société de loterie qui répartit le revenu net de ses
activités entre la culture, le sport, l’action sociale et d’autres fins
d’utilité publique. Une entreprise de pointe qui met les technologies
les plus sophistiquées au service des innombrables amateurs de jeux
d’argent. Une organisation originale et dynamique, dont les procédures
rigoureuses et attributions transparentes contrastent avec les affaires
souvent obscures menées sur le marché des jeux et casinos. Une forme
moderne, efficace et souple, de service public, qui vaut bien une
défense aussi convaincue et engagée que les administrations
traditionnelles et leurs fonctionnaires devenus simples personnels.
Voilà surtout une réussite commune des cantons romands qui suscite la
convoitise et dérange outre-Sarine. Car il se pourrait bien que le
fameux «Graben» soit effectivement la ligne de partage entre les
partisans de la Loterie Romande et ses envieux détracteurs, qui se
recrutent les uns et les autres dans tous les partis et horizons
fédéraux. Comme si les juristes du Palais se référaient plus volontiers
à la lourde «Swisslos» ou au dinosaure mort-né sous le nom d’«Unique
Lottery» qu’à l’inventive et francophone LoRo. Comme s’ils se
souciaient de faire jouer la concurrence entre casinos plutôt que de
réglementer un marché par essence trop libre, aux profits quasiment
insaisissables.
L’élaboration et surtout la mise en œuvre de la législation sur les
casinos sont déjà entrées dans l’histoire des institutions fédérales
comme des illustrations anthologiques du combat inégal entre
l’administration et les groupes de pression, arbitré par un parlement
sous influence et mené par une Ruth Metzler en l’occurrence mal
inspirée. Beau sujet pour une reconstitution cinématographique qui
pourrait s’intituler «Spielchen im Bundeshaus».
yj
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