L’étranger, dans la langue des économistes, dont ceux de la Banque
nationale, désigne tous les pays avec lesquels la Suisse procède à des
échanges et des transactions. Exemple (Rapport sur la balance des
paiements 2005, p. 8) : «La Suisse tire de l’étranger des recettes
supérieures à ses dépenses.» Ceux qui interpréteraient dans son sens
commun ce «tirer des recettes» comme si nous exploitions l’étranger,
qu’ils se détrompent ! Cela signifie simplement pour la BNS que «le
solde de la balance des transactions courantes est actif». Mais encore…
Contraste
Nos échanges avec l’étranger laissent un solde positif depuis les
années quatre-vingt. Mais pendant longtemps nous étions négatifs sur le
poste des marchandises. Nous achetions pour notre bien-être plus que
nous ne pouvions vendre. La qualité de nos services, le tourisme, le
revenu de notre épargne compensaient largement ce déficit. Or depuis
quatre ans, même sur les biens, nous sommes en solde positif. Ce
résultat reflète le haut niveau de performance de l’industrie
d’exportation, mais aussi une demande intérieure contenue, puisque
lorsqu’elle est forte, elle est satisfaite par des importations
accrues. Ces dernières en 2005 ont effectivement augmenté de manière
significative (8,8%), mais en grande partie à cause de la hausse du
pétrole et des matières premières. Il faut donc en conclure que le
pouvoir d’achat a été fortement comprimé pour une bonne partie de la
population.
L’autre facteur, on le sait, est l’extraordinaire rendement des
placements suisses à l’étranger. Il a atteint le chiffre astronomique
de 125 milliards. Et il ne faut pas le lire comme le résultat d’une
année exceptionnelle, mais comme une tendance. D’une part parce que les
entreprises et sociétés suisses continuent à investir à l’étranger,
mais aussi parce que les bénéfices des filiales sont le plus souvent
réinvestis sur place (41 milliards en 2005). L’enrichissement tiré de
l’étranger est réparti en Suisse sous forme de dividendes ou, s’il est
réinvesti, il se traduit par une plus-value boursière de l’action, qui,
rappelons-le, n’est pas imposable.
Tirer et répartir
La balance de nos échanges avec l’étranger ne comptabilise pas
seulement des transactions économiques. On y lit aussi notre politique
intérieure. La stagnation des revenus disponibles pour un grand nombre
de travailleurs et l’unilatérale répartition de la richesse produite
par l’extraordinaire fortune investie à l’étranger.
Investir à l’étranger
Ceux qui croient que l’on investit d’abord dans les pays pauvres parce
que la main-d’œuvre se contente de bas salaires et qu’il est profitable
de délocaliser, ceux qui croient que la Chine et l’Inde sont de
formidables marchés qu’il est urgent de conquérir, consulteront avec
intérêt le tableau des investissements directs suisse à l’étranger.
En tête, l’Union européenne, 27,9 milliards. Puis l’Amérique du Nord,
15,5 mia. L’Amérique du Sud, 10 mia. L’Asie ne figure que pour 6,7 mia
dont la Chine 673 millions et l’Inde 191 millions, moins que la Corée
du Sud, 638 millions. L’Afrique attire 1,8 mia dont plus de la moitié
va à l’Afrique du Sud.
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