L’urine des bonnes sœurs et les prépuces des jeunes circoncis
israéliens ont fait la fortune de la famille Bertarelli et de Serono,
cédé au groupe allemand Merck le mois passé. L’invention des produits
historiques de l’entreprise pharmaceutique genevoise contre la
stérilité féminine et contre les carences de croissance chez les
enfants et les adultes rappelle davantage le chaudron des sorcières que
les laboratoires informatisés contemporains.
Au milieu des années soixante, Fabio Bertarelli, père d’Ernesto, prend
la tête de la fabrique pharmaceutique fondée par Cesare Serono en 1906
à Rome. Quelques années auparavant les chercheurs de l’institut
découvrent que le pipi des femmes ménopausées pouvait fournir en grande
quantité la substance susceptible de contrer l’infertilité. Profitant
de la présence de la Banque du Vatican parmi les actionnaires de la
société, Fabio conclut un accord avec la Curie afin d’exploiter l’urine
des couvents disséminés sur la Péninsule. Nanti du monopole de la
matière première, Serono peut synthétiser à tour de bras le médicament
miraculeux, empocher beaucoup d’argent et faire le bonheur des couples
sans enfants, ainsi que celui des sœurs habitées d’amour pour le
prochain.
Le succès à fleur de peau
Les curées en moins, l’entrepreneur persuade le gouvernement de
Tel-Aviv de lui remettre les déchets de la circoncision riches en
hormones de croissance. Les minuscules bouts de chair soulagent petits
et grands souffrant de nanisme et fournissent énergie aux athlètes de
pointe. La trouvaille enrichit encore plus la famille et propulse
Serono vers les sommets de la branche.
A l’aube de la crise pétrolière, Fabio s’empare des actions de la
compagnie. En même temps, il sent le vent tourner. Le bricolage de
tissus et de sang laisse la place au génie génétique. Sans hésiter, il
épouse les biotechnologies. La recherche reste d’ailleurs la force et
la faiblesse de Serono : généreuse par rapport à sa taille, avare en
résultats par rapport aux moyens engagés. La reconversion réussit. De
Rome à Genève, via Boston, les héritiers de Cesare occupent le marché
aux commandes d’Ernesto. L’atelier artisanal devient un groupe fort
d’un chiffre d’affaires de 2,6 milliards et d’un médicament contre la
sclérose en plaque, le Rebif, à la fois marque de succès et de
dépendance à l’égard d’un traitement irremplaçable.
Giorgio Lonardi, «Bertarelli vende Serono alla Merck, La Repubblica du 22 septembre 2006.
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