L’idée n’est pas nouvelle. Dans son livre Progress and Poverty publié
en 1879 et qui fut un succès de librairie, le réformateur américain
Henry George préconisait un impôt sur la valeur de transaction de la
propriété immobilière, dont le produit serait reversé à parts égales à
chaque individu. La proposition, reprise plusieurs fois depuis, n’a
jamais été débattue sérieusement et encore moins concrétisée, même à
petite échelle. Elle est ressuscitée par un publicitaire indépendant argovien qui croit que l’informatique la rend maintenant réalisable.
Les biens dont nous disposons sont soit de création humaine, soit
donnés, comme l’eau, l’air, la lumière, le sol, bref toutes les
ressources naturelles. Autant l’appropriation privée des biens et
services produits par l’homme peut se justifier, autant l’usage
exclusif des ressources naturelles est inacceptable. Mais on sait que
la collectivisation du sol n’a contribué qu’à affermir le pouvoir d’une
petite minorité. Proudhon lui-même, dont on a retenu que le seul adage
«la propriété, c’est le vol» – en fait il faisait allusion aux seuls
propriétaires terriens oisifs -, a reconnu que la propriété était la
seule défense contre le pouvoir insatiable de l’Etat. Mais détenir une
propriété immobilière, c’est exclure tous les autres individus de cette
propriété. Cette exclusivité, source d’injustice, exige une
compensation, sans que pour autant soient mises en question les règles
du marché.
D’où l’idée d’un dédommagement payé par chaque propriétaire en fonction
de la valeur vénale de son bien. Chaque bien immobilier serait
répertorié sur l’Internet, avec ses caractéristiques. Il pourrait faire
en tout temps l’objet d’une offre selon le système des enchères
électroniques. La dernière offre exprimerait la valeur du terrain ou de
l’immeuble. Le dédommagement pour usage exclusif du sol serait calculé
en fonction de cette valeur. Et le produit de ce prélèvement serait
distribué entre tous les habitants de la planète au titre de «rente
foncière de base». L’utopiste argovien estime que plus de 90% des 6,7
milliards d’êtres humains profiteraient de cette redistribution.
L’idée doit encore être précisée, puis les effets d’une telle
régulation évalués : quel niveau de prélèvement, quel impact sur
l’utilisation du sol et sur l’économie en général, quels risques que
des spéculateurs tirent les prix vers le haut pour obliger des
propriétaires, incapables de payer le prélèvement, à céder leur bien
?
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