Les
prix attribués aux scientifiques maniant chiffres et équations, parmi
lesquels les Suisses brillent par leur absence, dessinent un paysage
distinct de la géographie éclatée des Nobel.
Les médailles Fields de mathématique viennent d’être attribuées. Elles
sont présentées souvent comme le « Nobel des mathématiques », décernées
tous les quatre ans à des mathématiciens de moins de quarante ans. La
petite histoire, vraie ou fausse, nous apprend qu’Alfred Nobel
courtisait la même femme qu’un mathématicien suédois. Elle choisit son
rival et il en ressentit suffisamment d’amertume pour ne pas créer un
Nobel de mathématiques.
Si John Charles Fields n’inventa pas la dynamite, il fut un
mathématicien honorable et surtout un mandarin de la recherche
canadienne, puisqu’il en vint à présider l’Institut royal, autrement
dit l’Académie des sciences canadiennes. Il dota son prix de 47 000
dollars de capital, autant dire une goutte d’eau à côté de la fondation
Nobel. Il est fréquent de considérer que le Nobel est au fond le signe
de la qualité scientifique d’une nation. La Suisse est en tête d’un
classement tenant compte du nombre d’habitants, argument bizarrement
très peu mis en évidence lorsqu’il s’agit de promouvoir notre pays à
l’extérieur. Ce classement reflète l’évolution de l’histoire : la
présence de l’Allemagne est écrasante avant guerre. Elle devient
presque inexistante après 1945 qui voit l’émergence des Etats-Unis.
La médaille Fields nous offre une perspective bien différente. Les USA
se taillent la part du lion avec treize médailles depuis les premières
distributions en 1936, mais la France est deuxième avec neuf médailles,
la Russie en a glané huit et la Grande-Bretagne sept. Cette année la
grande presse a commenté les médailles Fields en raison de la
personnalité singulière de Grigori Perelman, l’un des récipiendaires,
qui a refusé la distinction, alors que personne ne l’a vu depuis des
mois. Il semble qu’il se soit retiré quelque part dans la forêt russe.
On ne possède de lui qu’une photo où il a l’air d’un pope aux yeux
fous, à l’allure patibulaire. Selon un de ses collègues de
Saint-Pétersbourg, « on ne peut dire où l’originalité finit et où
quelque chose d’autre commence … ».
Il est certain que la médaille Fields traduit aussi la tradition de
l’abstraction créatrice dans certaines cultures comme la France ou la
Russie dans lesquelles la qualité de la pensée abstraite est
particulièrement valorisée. Il est habituel de vanter la qualité des
mathématiciens indiens. Ceux-ci sont pour l’instant absent de la liste
des médaillés Fields. Gageons qu’on les verra apparaître dans le futur.
Et la Suisse ? Très présente chez les Nobel, absente chez les Fields.
Après tout nos chimistes, médecins, habituels récipiendaires des Nobel
travaillent généralement sur du solide. Même les physiciens sont
toujours dans le concret facile à expliquer aux béotiens, qu’il
s’agisse du microscope à effet tunnel ou de la supraconductivité à
haute température. Là aussi, on est bien dans la tradition helvétique.
Inventif bien sûr, mais il faut de la matière qui se
palpe.
Un article complet – (Ruhal Floris) – 4.09.2006
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Bonjour Dommage M. Guyaz que vous n’ayez pas lu l’article très complet du New Yorker: Cela vous aurait éviter de colporter les rumeurs du type “retiré dans
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Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!