En France, la DATAR, Délégation à l’aménagement du territoire et
l’action régionale, change de cap et devient la Délégation
interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des
territoires (DIACT). La politique d’aménagement du territoire français
s’infléchit vers l’organisation et le développement de l’attractivité
et de la compétitivité des territoires, plutôt que vers la création de
pôles d’équilibre, comme c’était le cas jusqu’à aujourd’hui.
La DATAR a été créée en 1963. Son premier délégué était Olivier Guichard, un baron du gaullisme.
Ce changement est significatif : le gouvernement français actuel – une
droite qui considère la ville et le territoire comme des éléments
d’ordre patrimonial – tente de réajuster sa politique d’aménagement du
territoire pour qu’elle colle plus à la tendance qu’imprime le nouveau
modèle de développement économique et social mis en place ces douze
dernières années, après la longue crise du modèle keynésien précédent.
Les pôles de compétitivité remplacent les pôles d’équilibre.
Dans ce nouveau modèle, la seule forme de régulation sociale immédiate
est celle du marchandage direct (de compétences de produits, de
coopération, etc.), la proximité devient donc une condition des
interactions sociales, introduisant un processus de mégapolisation des
formes urbaines. Ce phénomène favorise l’interaction d’une société
désorganisée, rassemblée en mégalopoles.
La Suisse n’échappe ni au nouvel ordre économique et social, ni à sa
traduction territoriale. C’est pourquoi la décision française a de
l’importance. Il ne s’agit pas de copier le voisin mais de regarder le
monde.
Rappelons que l’Office fédéral du développement territorial, dans son
Rapport annuel de 2005, examine quatre scénarios. Le premier est
tendanciel : une Suisse des métropoles ; le deuxième est tourné vers le
déclin urbain par dispersion et éclatement ; le troisième dessine un
réseau de villes, une Suisse urbaine polycentraliste ; et le dernier
préconise une solidarité territoriale, une Suisse des régions. Puis
l’ODT tente la synthèse : cinq aires métropolitaines – Zurich, Bâle,
Berne avec Bienne et Fribourg, Genève et Lausanne, Lugano – entourent
autant d’agglomérations. Quatre scénarios reliés à la vieille antienne
du concept de «décentralisation concentrée» perpétuellement battu en
brèche par une polarisation continue, incessante, des activités dans
les grandes villes de ce pays.
Pour appliquer helvétiquement le principe de réalité, pourquoi ne pas
développer aujourd’hui un cinquième scénario, celui des différences,
capable de maîtriser l’échéance incontournable qui constitue cette très
forte polarisation ? En projetant, par exemple, une hiérarchie du
territoire et des villes avec leurs régions, y compris, Europe oblige,
les interfaces transfrontalières. Ce serait sans doute plus efficace en
matière de développement soutenable que devoir reculer sans cesse, et
sans l’avouer, devant la progression de la tendance.
En effet, les résultats sociaux et écologiques de la mégapolisation
constituent un danger majeur pour le futur (et pas seulement la
question de l’espace). Les aspects soit disant positifs de cette forme
de territorialité (créativité, richesse des interactions) sont
largement débordés par les maladies et les inégalités sociales, la
perte de contrôle de la soutenabilité.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!