Le multiculturalisme est un concept fort à la mode, mais rarement
explicité. D’où l’intérêt d’un article d’Amartya Sen, paru dans un
récent numéro de l’hebdomadaire Courrier international (n° 814 de juin
2006). «Multiculturalisme : S’extasier devant la composition de
l’équipe de France de football» aurait pu écrire Gustave Flaubert dans
son Dictionnaire des idées reçues.
Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998, fait écho notamment à une
polémique surgie à la suite d’un article paru dans Le Monde, six
semaines après les attentats de Londres en juillet 2005. L’article
était intitulé «Le modèle multiculturel britannique en crise», en
référence aux terroristes impliqués, nés et élevés en Grande-Bretagne ;
on parlerait ici de «secondos».
Amartya Sen estime que «la véritable question n’est pas de savoir si le
multiculturalisme est allé trop loin», comme le suggérait l’essentiel
du débat amorcé par le quotidien français. Selon lui, il est crucial de
distinguer «entre le multiculturalisme et ce que l’on peut appeler le
monoculturalisme pluriel». Ainsi les cuisines anglaise et indienne
peuvent toutes deux, recettes à l’appui, se réclamer du
multiculturalisme. Mais l’auteur relève que lorsque deux styles ou
traditions se côtoient sans jamais se joindre, on est en présence du
monoculturalisme pluriel. «L’existence d’une diversité des cultures qui
peuvent se croiser comme des navires dans la nuit constitue-t-elle un
exemple réussi de multiculturalisme ?», se demande Sen.
Il dénonce le piège des identités figées qui ne prendraient pas en
compte la liberté des individus, en particulier les visées identitaires
religieuses. «Les habitants de la planète ne peuvent pas être perçus
exclusivement à travers le prisme de leur appartenance religieuse,
comme une fédération mondiale de religions. Pour des raisons
similaires, une Grande-Bretagne multiethnique ne peut pas être vue
comme un assortiment de communautés ethniques».
«Il s’agit de savoir si les citoyens d’origine immigrée doivent se
considérer en premier lieu comme des membres de communautés
particulières et d’ethnicités religieuses particulières, et ne se
sentir britanniques qu’à travers cette appartenance, dans une supposée
fédération de communautés»
La réflexion d’Amartya Sen est d’actualité dans notre pays où depuis
longtemps on tisse un patchwork multiculturel, continuellement remis en
question, autrefois, notamment, par les catholiques du Sonderbund,
aujourd’hui par l’isolationnisme de la droite nationale.
dm

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Il y a une différence profonde entre la société anglaise et les sociétés de l’Europe continentale : la première est une société de castes et les secondes des sociétés de classes. C’est évidemment difficile de démontrer cette différence parce que souvent c’est une question de degré. Par exemple, les quartiers d’habitation sont plus mélangés chez nous qu’outre- Manche où on voit de vrais ghettos; ou les écoles dans lesquelles les enfants sont catégorisés selon la caste de leurs parents. Ce qui est à mon avis la différence la plus disante, c’est l’absence de désir d’accéder aux modes de vivre des castes “supérieures”. Les gens des castes “inférieures” désirent certes améliorer leur sort mais, s’ils gagnent plus d’argent, ils vont simplement consommer plus de la même chose. Inévitablement les gens d’autres cultures vont former des castes et ceci est encouragé par la politique du gouvernement. Cette politique a aussi certains avantages parce qu’elle donne l’impression d’une grande tolérance. En réalité, les Anglais sont tellement sûrs d’être supérieurs qu’ils ne se donnent pas la peine de convaincre ou de contrôler les autres. Sen est indien et vient d’une société de castes et c’est probablement la raison pour laquelle cela ne le frappe pas en Angleterre. |
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