«La bancassurance (néologisme français sans équivalent anglais,
métabolisé par l’allemand en Allfinanz) a un bel avenir dans le monde,
sauf en Suisse» déclare d’emblée François Dufresne. La mode de la fin
du siècle passé, fusionner pour économiser et gagner des clients en
rapprochant les deux branches, maintient ses promesses surtout quand la
banque peut exploiter son réseau bien enraciné pour diffuser des
assurances qui ne bénéficient pas d’un maillage performant du
territoire. A l’image du Québec avec les Caisses Désjardins, une
coopérative qui distribue avec bonheur crédits et polices depuis
quelques années.
Or la Suisse dispose d’un marché assuranciel très dense : plus de
huitante compagnies indigènes ou filiales de groupes étrangers. Avec
une telle présence la banque perd la primauté dont elle bénéficie
ailleurs. Voilà alors la nécessité, afin de donner un sens à la fusion,
de proposer des produits qui dénaturent en partie les originaux. En
France, par exemple, selon François Dufresne, on vend des
assurances-vie qui ressemblent davantage à de l’épargne fiscalement
attrayante qu’à une véritable couverture en cas de décès. C’est toute
la différence qui passe entre la gestion des risques, propre aux
assureurs, et la volonté de les réduire, chère aux banquiers.
Pour François Dufresne, d’après l’entourage de la Winterthur, c’est un
peu l’erreur commise par Credit Suisse qui, au lieu de se limiter à
dispenser des assurances à ses clients tout en attirant dans son giron
les assurés de la société zurichoise, a essayé de créer de nouveaux
produits hybrides, difficiles à commercialiser.
Dusan Isakov insiste également sur l’écart qui sépare les deux
professions. Au début on a cru que les synergies profiteraient à tout
le monde. Au bout, à part de faibles économies d’échelle, banque et
assurance découvrent une certaine incompatibilité. De plus, la crise
boursière qui a sévi au milieu des années nonante, sans en être la
cause, a entravé la réussite de l’opération. Credit Suisse a dû ainsi
recapitaliser à deux reprises la Winterthur, sans pour autant atteindre
la rentabilité souhaitée. Dusan Isakov évoque finalement une certaine
mégalomanie des dirigeants, friands de fusions et de conglomérats
géants, prêts à attaquer globalement les marchés avec les armes de la
diversification. Ces temps révolus, et quelques CEO à la retraite, on
revient à son propre métier et on abandonne les pièces rapportées au
meilleur offrant.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!