Les embarcations de fortune surchargées d’Africains accostent aux îles
espagnoles des Canaries. Ces images choc nous rappellent, une fois de
plus, la force d’attraction que la riche Europe exerce sur la misère
africaine. En première ligne, l’Espagne demande l’aide des autres pays
européens pour contenir ce flot humain du sud vers le nord. Cette
assistance communautaire est la logique même des accords de Schengen
qui renforcent les frontières extérieures pour supprimer les barrières
internes. Une aide analogue devra être accordée à la Pologne et aux
autres pays aux marches de l’Europe chargés de contrôler le flux en
provenance de l’est. La Suisse est directement concernée. Bon nombre
des migrants illégaux se retrouveront un jour chez nous. La large
majorité des demandeurs d’asile qui débarquent à Vallorbe proviennent
d’Afrique de l’Ouest ou des pays de l’ex bloc soviétique, via l’Union
européenne. Sans parler des clandestins dont, par définition, on ne
sait rien. En refusant de participer financièrement à l’effort
collectif de contrôle de l’immigration, la Suisse serait assimilable au
convive grippe-sou qui, distraitement, regarde ailleurs au moment de
payer l’addition.
L’accent sur les coûts
Par la signature et la ratification des accords de Schengen, la Suisse
s’est engagée à reprendre la totalité de l’acquis communautaire et à
discuter du futur développement de cet acquis. Dans son message, le
Conseil fédéral mentionnait, entre autres, la création future d’une
Agence européenne des frontières. Aujourd’hui, parce que la pression
migratoire se fait plus forte, les projets de renforcement de la
coopération se multiplient. Depuis octobre 2004, date de la signature
des accords de Schengen, Bruxelles a notifié à Berne pas moins de
quinze modifications envisagées. La Suisse a voulu éviter tout
transfert formel de souveraineté. Au terme de l’accord passé avec
Bruxelles, elle pourra accepter les nouveautés proposées, ou alors les
refuser et quitter l’espace Schengen. Ce mécanisme, juridiquement
impeccable, s’applique à tous les accords bilatéraux. Il donne aux
antieuropéens un stock de munitions pratiquement inépuisable. Quelques
millions de dépenses supplémentaires, pour financer la protection des
frontières extérieures, permettent de relancer le débat sur le coût de
l’Europe, sans mentionner, bien sûr, les bénéfices que la Suisse en
retirera. La polémique arrive d’ailleurs à point nommé, au moment où
débute la récolte des signatures sur le milliard pour l’aide au
développement des nouveaux membres de l’Union. Des modifications, même
mineures, de la législation intérieure pour s’adapter à l’Europe
pourront pareillement être menacées de référendum, sans parler de
l’extension des accords à la Bulgarie, la Roumanie et autres Monténégro.
La voie des bilatérales est considérée comme la solution idéale pour la
majorité politique. Elle pourrait bientôt prendre l’allure d’un
interminable calvaire.
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