Le parti radical suisse a peiné à récolter les signatures à l’appui de
son initiative contre le droit de recours des associations. Pour y
parvenir, il a dû payer le prix fort (cf. Démocratie directe : La transparence qui dérange , Albert Tille (at), DP n°1689, du 19 Mai 2006). Si la manière
laisse à désirer, le fond dénote une conception archaïque de la
démocratie, celle-là même que colporte l’UDC.
Exclure le droit de recours des organisations de protection de
l’environnement contre les décisions populaires et parlementaires,
c’est refuser que la justice puisse examiner la conformité de ces
décisions au droit. C’est postuler que le peuple et ses représentants
peuvent se placer au-dessus du droit et que, par leur seule volonté,
ils sont légitimés à ignorer les règles qu’ils ont eux-mêmes fixées.
Etrange conception de la démocratie qui confère au souverain et au
parlement – communaux, cantonaux et fédéraux – un pouvoir qui ne
souffre pas la contestation ! On croyait révolue l’époque de
l’absolutisme où le monarque décidait selon son bon plaisir. Si les
fondateurs de la Suisse moderne – en particulier les radicaux – ont
institué un Etat de droit, c’est précisément pour écarter le risque de
tels abus. La séparation des pouvoirs répartit le pouvoir étatique
entre plusieurs organes, le peuple, le Parlement, le gouvernement, la
justice. Chacun d’eux détient des compétences propres que les autres
organes ne peuvent s’arroger, même pas le peuple souverain ou sa
représentation parlementaire. Par ailleurs tout acte étatique doit
s’appuyer sur une base légale. Même plébiscitée par le peuple ou
simplement approuvée par le législateur, une décision – en l’occurrence
en matière environnementale – ne peut déroger au droit en vigueur,
Constitution et lois. Et si ce droit ne convient plus dans un cas
d’espèce, il faut alors le modifier. C’est précisément pour bannir
l’arbitraire et établir la sécurité du droit qu’a été imaginée la règle
générale et abstraite qui légitime les décisions concrètes. Bannir le
contrôle juridictionnel revient donc à réhabiliter l’arbitraire et
l’insécurité, dès lors que le peuple ou le Parlement se sont prononcés.
Cette conception archaïque de la démocratie se retrouve dans le projet
de l’UDC de confier les décisions de naturalisation au peuple, sans
possibilité de recours. Elle renvoie aux pratiques communautaires des
populations alpestres de la Suisse primitive. Mais dans l’intervalle,
la Suisse fut héritière des révolutions américaine et française qui
conjuguèrent démocratie, Etat de droit et droits fondamentaux. En
démocratie, ni le peuple ni le Parlement ne sont libres d’exercer tout
pouvoir en tout temps et sur toute chose, comme au Far West.
Par son initiative, le parti radical, contaminé par l’UDC, renie les
principes qui ont présidé à sa naissance. Rétrograde et isolationniste
plutôt que libéral, moderne et ouvert au progrès comme il le
proclame.
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