La
place de la gare principale de Berne, aux portes de la vielle ville
classée à l’UNESCO, est indigne de la capitale fédérale. Le voyageur
quittant la gare fraîchement rénovée se retrouve sur une place sans âme
que coupe un grand axe routier et défigurent les auvents décrépis des
arrêts de transports publics, lesquels s’ouvrent sur de sinistres
souterrains.
Après bien des atermoiements, un projet de rénovation s’est imposé : un
grand baldaquin de verre doit recouvrir presque toute la place dont les
flux de trafic (privé et public) seront réaménagés. Après la Place
fédérale, récemment libérée de ses places de parc, Berne doit retrouver
une place de la gare avenante. Très contesté, comme la plupart des
récentes grandes réalisations urbanistiques bernoises, le baldaquin a
fini par passer la rampe d’une courte tête en votation populaire. Mais
en avril, un coup de frein sérieux est donné par le préfet, Alec von
Graffenried : le baldaquin ne respecte pas la législation de protection
du patrimoine et la ville n’obtient pas le permis de construire. Ce qui
l’a poussé à déposer un recours.
Il ne pourrait s’agir que d’une banale affaire juridique, le préfet ne
faisant qu’appliquer le droit de la construction. Mais, sous cette
bataille légale, couve l’affrontement de deux tendances vertes. Le
baldaquin est un projet défendu par la nouvelle municipale de
l’«Alliance verte et sociale» («Grünes Bündnis», Verts «de gauche»),
Regula Rytz, élue l’automne passé avec 19 voix d’avance sur son
concurrent de la «liste libre» (GFL, Verts «du centre»), qui se nomme…
Alec von Graffenried ! Lors de ces élections, la liste libre a pris
l’ascendant sur les Verts de gauche au législatif municipal. Ce
résultat a été confirmé par les élections cantonales d’avril de cette
année (Verts de gauche en baisse, forte progression de la GFL), alors
que le parti de Regula Rytz, porté par des figures d’envergure
nationale, dont la nouvelle cheffe du groupe parlementaire écologiste
et municipale sortante, Thérèse Frösch, avait jusqu’ici été dominant en
ville, celui d’Alec von Graffenried étant surtout implanté dans les
campagnes. A la suite de cette élection très serrée, le champion de la
liste libre avait recouru contre la décision de la ville de ne pas
recompter les voix, sans toutefois en contester le résultat. Ces
rivalités, à l’ombre du baldaquin, se jouent avec pour toile de fond la
prochaine fusion entre les deux partis verts, consommée dans le reste
du canton, où des listes communes ont été présentées aux électeurs.
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