nouvelle fois les industries pharmaceutiques, Novartis et Roche en
tête, annoncent des résultats trimestriels éclatants. On ne peut que
s’en réjouir. Pour les exportations helvétiques d’abord, pour les
salariés de la branche ensuite, pour le fisc enfin.
Tout pour le mieux ? On pourrait presque le croire. Certes le prix de
vente des médicaments en Suisse est élevé, mais la santé, préoccupation
majeure de la population, n’a pas de prix. Les médias, prompts à la
critique à l’égard des pouvoirs politiques et économiques, montrent une
étonnante bienveillance pour les entreprises pharmaceutiques.
Pourtant l’image s’assombrit lorsqu’on y regarde de plus près. Les
scandales qui éclaboussent régulièrement l’un ou l’autre des grands de
la pharmacie – le plus souvent aux Etats-Unis – rappellent que les
multinationales du médicament ne sont pas des sociétés de bienfaisance,
mais qu’elles visent d’abord la conquête de marchés profitables, par
des moyens parfois douteux. Les sommes colossales dépensées pour la
promotion de leurs produits – un multiple de celles consenties pour la
recherche – illustrent l’effort des pharmaceutiques pour influencer le
corps médical et les consommateurs, mais aussi les médias et les
politiques. Un effort qui relève plus de la recherche du profit que du
souci de la santé publique. Cette priorité se manifeste clairement dans
la mise sur le marché de produits soi-disant nouveaux – en réalité des
copies presque à l’identique de médicaments anciens – pour concurrencer
les produits à succès d’autres firmes ou éviter la concurrence de
génériques à l’échéance du brevet. Bref, la branche engage plus
d’énergie à créer et développer la demande qu’à répondre à de réels
besoins thérapeutiques. C’est d’ailleurs elle qui dicte les
développements de la recherche et la définition des pathologies,
mettant l’accent sur les symptômes plus que sur les causes des maladies
et élargissant sans cesse la liste des états morbides justifiant un
traitement médicamenteux.
L’analyse des résultats financiers des industries pharmaceutiques,
plutôt que de nous réjouir béatement, devrait conduire à nous
interroger sur les dérives d’un système de santé toujours plus coûteux,
en même temps qu’il échoue à améliorer significativement l’état de
santé de la population.
jd
A lire:
Politique de la santé : A bas le monopole , Jean-Daniel Delley (jd), DP n°1682, du 17 Mars 2006
François Choffat, Hold-up sur la santé, Editions Jouvence, 2005.
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