Ainsi, l’usine de Steg va fermer. Cette unité de production fabrique de
l’aluminium dit de première fusion, par électrolyse de l’alumine, un
oxyde d’aluminium extrait de la bauxite, qui est le principal minerai
d’aluminium très répandu et abondant un peu partout dans le monde. Le
procédé d’extraction du métal nécessite des quantités considérables
d’électricité. L’aluminerie de Steg consomme à elle seule 17% de
l’électricité produite dans le Valais.
Alcan, entreprise propriétaire, bénéficiait d’un contrat avec l’Etat du
Valais qui lui garantissait, de 2000 à 2005, un prix de l’électricité
de 3,5 ct le Kwh et une exonération de 30% de l’impôt sur les
bénéfices. Or le coût actuel de l’électricité fournie par les Forces
motrices valaisannes aux gros clients industriels de la région de Steg
est de 17,99 ct le Kwh, cinq fois plus élevé que le prix prévu par
l’accord qui vient à expiration, ce qui signifie que le Valais a en
fait très lourdement subventionné l’aluminerie.
La hausse très forte des prix de l’électricité et l’écart énorme entre
le tarif réel et le coût facturé à Steg rend impossible le
renouvellement de l’accord précédent. Le canton du Valais était disposé
à aller jusqu’à 6,5 ct le Kwh, ce qui reste pourtant beaucoup trop cher
pour Alcan. Il est vrai que le prix de l’électricité en Suisse est le
plus élevé de la planète, près de deux fois plus qu’en France et quatre
fois plus qu’aux Etats-Unis, ce qui n’empêche pas Alcan d’envisager la
fermeture de son usine française de Lannemezan qui produit également de
l’aluminium de première fusion.
Pourquoi s’étonner alors si, depuis plusieurs années, la production
d’aluminium de base est déplacée vers les pays du Golfe, Emirats Arabes
Unis et Qatar, notamment, qui proposent de l’énergie très bon marché et
un accès direct de l’usine à la mer. Les producteurs d’aluminium sont
de vieilles industries dans les pays développés. Pendant longtemps le
secteur était dominé par deux très gros groupes, Alcoa aux USA (dont le
siège européen est discrètement installé à Lausanne) et Alcan au Canada
avec des émules européens comme Alusuisse ou Péchiney. A l’origine les
usines canadiennes n’étaient qu’une filiale de la Pittsburgh Reduction
Company qui vendit ses établissements canadiens en 1928. Ceux-ci
allaient devenir Alcan et les usines mères de l’Ohio, Alcoa.
Alcan a pu se développer grâce aux bas coûts de l’électricité au
Canada, tout comme Alusuisse a profité des barrages helvétiques et a
installé ses usines dans les vallées. Alusuisse, devenu Algroup en
1998, vaincu par des coûts trop élevés et des erreurs de stratégie – un
syndrome Swissair l’a conduit à multiplier les acquisitions dans les
années quatre-vingts et nonante – a fini par fusionner avec Alcan en
l’an 2000. En fait les usines helvétiques d’Alusuisse, qui appartient
aujourd’hui à Alcan, fabriquent des produits à forte valeur ajoutée :
des emballages pour l’industrie alimentaire et pharmaceutique ou des
éléments pour l’industrie ferroviaire et automobile. L’aluminerie de
Steg est la seule à produire au sens strict du terme, des lingots brut
de fonderie, une activité industrielle de base qui convient mal à un
pays dont les coûts de la main-d’œuvre et de l’énergie sont élevés,
comme la Suisse.
Il est sans doute vain de vouloir se battre pour empêcher la fermeture
de l’usine sous sa forme actuelle ou de chercher on ne sait quel
repreneur miracle. Par contre le savoir-faire accumulé par les 140
employés de Steg est sans doute très important. Il ne doit pas être
dilapidé et l’accent doit être mis sur l’implantation d’industrie à
haute valeur ajoutée et sur la reconversion du personnel de Steg. La
place industrielle suisse a de l’avenir, mais certainement pas dans des
activités de fonderie de base.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!