La position antieuropéenne d’economiesuisse
pèsera lourdement dans le débat sur l’adhésion à l’UE. L’engagement
inverse des socialistes n’aura pas le même poids. Difficile de mener
une politique économique et sociale contre la volonté de la centrale
patronale censée représenter l’intérêt supérieur de la nation. Mais,
est-il besoin de le rappeler, economiesuisse n’est qu’un lobby
défendant, pour faire court, les intérêts des grandes entreprises
financières et industrielles. Les bilatérales ont éliminé un nombre
important d’obstacles que rencontraient les entreprises. La libre
circulation des travailleurs était le dernier combat pour lequel
economiesuisse s’affichait en faveur de l’Europe. Le combat étant
gagné, la centrale patronale a changé de camp. Il reste évidemment des
obstacles à une pleine participation des entreprises suisses au grand
marché. C’est notamment la persistance des frontières douanières
génératrices de tracasseries administratives. Les petites entreprises
exportatrices en souffrent, mais les multinationales qui ont assez de
spécialistes évitent facilement ces obstacles.
Par les bilatérales, les banques ont obtenu la sauvegarde du secret
bancaire. Les dispositions compensatoires pour combattre l’évasion
fiscale vers la Suisse peuvent être contournées facilement. Nos banques
continuent donc d’accueillir les fraudeurs du fisc. A l’intérieur de
l’Union, l’Autriche et le Luxembourg ont obtenu un statut analogue et
peuvent « concurrencer» la place financière suisse avec les mêmes
armes. Le secret bancaire n’est donc pas, en l’état, une raison pour
les banques de refuser l’adhésion. Mais l’image d’une Suisse
indépendante est bonne pour la place financière. Même si les banques de
Luxembourg ou de Vienne sont aussi discrètes que celles de Zurich ou
Genève, les clients se sentent plus sûrs sous le drapeau helvétique.
Rappelons aussi que les négociations sur la libre circulation des
services ont échoué, notamment parce que les banques et les assurances
s’y opposaient. Elles n’y trouvaient aucun avantage. Massivement
présentes dans les pays de l’Union, elles peuvent faire tout ce qui ne
leur est pas permis à partir de la Suisse. En refusant la libre
circulation, les banques suisses se protègent, en revanche, des offres
de service des banques implantées dans l’Union et non présentes sur
notre marché. Une adhésion priverait nos banques de la protection de
leur marché intérieur. Ce serait bon pour les clients que nous sommes,
mais pas pour les banques.
Economiesuisse défend avec ardeur les thèses néolibérales : diminution
de la pression fiscale et amaigrissement de l’Etat. L’adhésion implique
une TVA à 15%. Il s’en suivrait une rude bataille politique qui
mettrait les néolibéraux en position difficile. Comment obtenir une
baisse globale de la pression fiscale ou autres prélèvements
obligatoires avec une grosse progression de la TVA ? C’est probablement
la perspective de ce grand chambardement qui fait le plus peur à la
centrale patronale.
Une adhésion offrirait des droits supplémentaires aux salariés :
protection contre les licenciements, limitation de la durée du travail
et participation. Raison supplémentaire pour economiesuisse, qui fait
de la flexibilité du marché du travail une vertu cardinale, de dire non
à l’Europe. On peut donc, dans l’intérêt de la Suisse, ne pas partager
les vues d’economiesuisse.
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