Delaloye est journaliste, mais il est aussi historien. Cette double
activité lui donne un avantage certain sur ses collègues de la presse.
Il sait situer l’événement dans son contexte, le relier à un passé.
Chez lui, la nouvelle ne ressortit pas forcément de la nouveauté, elle
ne sort pas du néant, mais s’enracine dans une histoire.
En réunissant dans un volume quelques-unes de ses meilleures chroniques
parues dans Le Nouveau Quotidien, Le Temps et L’Hebdo entre 1995 et
2003, l’auteur illustre brillamment l’intérêt de ce double regard : les
faits ne s’éclairent vraiment que dans leur dimension historique.
L’investigation met alors à mal les lieux communs,
l’instrumentalisation idéologique de la réalité.
Dans une première partie, Delaloye parcourt l’histoire de la Suisse
avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale, pour mieux éclairer
l’affaire des fonds en déshérence. Apparaît alors en pleine lumière
l’effondrement d’une image systématiquement construite d’unité
nationale et de résistance. La crise d’identité qui se manifeste alors,
et qui va ternir les commémorations de 1798 et de 1948, lui suggère
d’observer de plus près cette période charnière de notre histoire, ce
demi-siècle (1798-1848) qui va accoucher de la Suisse moderne. Car
auparavant cette Suisse n’existe pas, ni pays, ni nation, mais
enchevêtrement de territoires. Dans cette deuxième partie, il nous
remémore quelques épisodes peu connus, tel l’instauration de l’éphémère
République de Rauracie et les nombreux conflits locaux qui opposèrent
républicains et conservateurs. Dans une troisième partie enfin, Gérard
Delaloye décrypte quelques mensonges et omissions historiques qui
survivent toujours : Guillaume Tell, la sagesse politique qu’aurait
traduite l’Acte de médiation, les liens immémoriaux que Neuchâtel
aurait entretenus avec les Confédérés, le succès de la Réforme en
Valais, l’héroïsme patriotique du major Davel, la mutinerie des soldats
bernois lors de l’invasion des troupes françaises.
Ah! comme l’histoire devient passionnante quand elle est débarrassée du
vernis et des enjolivures qui doivent la rendre
acceptable. jd
Gérard Delaloye, La Suisse à contre-poil, Lausanne, Editions Antipodes,2006.
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