Le paysage des hautes écoles suisses se caractérise par sa grande
diversité : aux écoles polytechniques fédérales (EPF), s’ajoutent les
universités cantonales et les hautes écoles spécialisées, le plus
souvent également du ressort des cantons. Hormis dans le domaine des
EPF, la Constitution ne permet toutefois une intervention de la
Confédération que par le biais de son soutien financier. Mais le levier
est puissant. Les besoins financiers de l’enseignement supérieur
excèdent largement les ressources cantonales : les universités et les
HES ne pourraient pas exister sans la manne fédérale. Le domaine
universitaire n’est donc plus depuis longtemps une chasse gardée des
cantons.
Qui tient le robinet contrôle aussi le débit des aides et leur
répartition. C’est l’objet de la loi fédérale sur l’aide aux
universités qui arrive à terme à la fin 2007. Pour négocier cette
échéance, Confédération et cantons ont réfléchi à un «Paysage
universitaire 2008». Plusieurs voies étaient possibles. On aurait pu
envisager une centralisation à large échelle au niveau de la
Confédération ou un désenchevêtrement radical des tâches entre la
Confédération et les cantons. Mais la faisabilité politique de l’un et
de l’autre de ces scénarios de rupture était douteuse. Le groupe
d’experts a donc préconisé une poursuite et un développement de la
coopération entre Confédération et cantons.
Le Parlement a repris les propositions présentées dans ce cadre. Le
nouvel article constitutionnel ficelé par le Parlement consolide les
bases, qui étaient institutionnellement fragiles, d’un organe commun de
coopération entre la Confédération et les cantons. La Conférence
universitaire suisse (CUS), qui est l’actuel organe de collaboration,
serait remplacée à terme par une Conférence suisse avec des compétences
élargies (cf. ci-dessous). Actuellement limité aux universités, le
champ d’application serait étendu aux hautes écoles spécialisées.
Enfin, en cas d’échec de la collaboration, la Confédération pourrait
légiférer sur un certain nombre de domaines, dont les niveaux
d’enseignement, la formation continue et la reconnaissance des
institutions et des diplômes.
En comparaison internationale, les hautes écoles suisses restent dans
le peloton de tête. Mais elles ont tendance à perdre du terrain face à
une concurrence toujours plus rude. L’allocation des ressources,
forcément limitées, obéit parfois au principe de l’arrosoir : les
hautes écoles sont quelquefois réticentes à abandonner une faculté qui
a fait leur fierté. Un meilleur pilotage à l’échelon national paraît
donc inévitable pour procéder aux arbitrages.
Le projet ne fait toutefois qu’un petit pas dans la direction de la
fédéralisation en autorisant la Confédération à légiférer si la
collaboration n’aboutit pas aux résultats escomptés. L’article sur les
hautes écoles apparaît comme un produit typique du compromis helvétique
: la disposition va dans la direction d’une plus grande centralisation,
tout en continuant à associer étroitement les cantons au processus
décisionnel. Ceux-ci n’ont pas l’impression de tout perdre. Mais la
question d’une fédéralisation du domaine des hautes écoles et de
l’enseignement supérieur, qui aurait l’avantage d’une plus grande
clarté et d’un meilleur contrôle démocratique, risque de se poser dans
un futur pas si lointain.
Les organes communs
Actuellement : La Conférence universitaire suisse
Bases légales :
- loi fédérale sur l’aide aux universités (LAU)
- concordat intercantonal de collaboration universitaire
- contrat de collaboration entre la Confédération et les cantons universitaires
Composition :
- deux représentants de la Confédération (le secrétaire d’Etat à
l’éducation et à la recherche et le président du Conseil des EPF) ; - un représentant par canton universitaire ;
- deux représentants des cantons non universitaires
Compétences (art. 6 LAU) :
- établir des directives sur la durée des études et la reconnaissance des acquis
- octroyer des contributions à des projets
- évaluer l’attribution des pôles de recherche nationaux
- reconnaître des institutions ou des filières d’études
- établir des directives sur l’évaluation
- établir des directives sur la valorisation des connaissances
2008 : La Conférence suisse des collectivités ayant la charge des hautes écoles
Bases légales :
- art. 63a soumis au vote le 21 mai 2006
- future loi fédérale sur les hautes écoles
- future convention de collaboration entre la Confédération et les cantons
Composition :
- un membre du Conseil fédéral (président)
- un représentant par canton universitaire (10)
- un représentant de chacune des collectivités ayant la charge des 7 HES
Compétences :
- définir les conditions-cadres financières
- édicter des directives contraignantes
- planification stratégique et répartition des tâches entre les
hautes écoles dans les domaines les plus coûteux (ex. médecine de
pointe) - formulation des lignes directrices concernant les aides à la formation et les taxes
- émettre des prescriptions en matière d’assurance-qualité
- élection du Conseil suisse de l’enseignement supérieur, organe
consultatif composé majoritairement de représentants de la société
civile
Les leçons de Bologne
La Suisse a adopté la Déclaration de Bologne sans s’en rendre compte.
La mise en œuvre n’a pas fait l’objet de décisions fédérales ni de
débats à l’intérieur des parlements cantonaux, mais de directives de la
Conférence universitaire suisse. Un procédé peu compatible avec
l’importance de cette réforme universitaire européenne : Domaine Public
en avait critiqué le manque de transparence et l’absence de contrôle
démocratique (cf. Formation supérieure : La Déclaration de Bologne est un puissant catalyseur dans la marmite universitaire suisse , Nordmann Roger ( rn ), DP n°1546, du 31 Janvier 2003 et Formation supérieure : Un pilote pour les universités , Nordmann Roger ( rn ), DP n°1610, du 09 Juillet 2004 ). Loin de tenir compte de ces
critiques, le projet se réfère au contraire à Bologne comme l’exemple
d’une réforme maîtrisée avec «efficacité et promptitude». L’ancrage
constitutionnel d’un organisme situé à cheval entre la Confédération et
les cantons n’est toutefois pas un remède miracle. Cela reste un
échelon hybride sans contrôle parlementaire ni sanction populaire.
Problématique au regard de l’importance des décisions à prendre.
Références
Article 63 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999
Loi fédérale sur l’aide aux universités
Concordat intercantonal de collaboration universitaire
Contrat de collaboration entre la Confédération et les cantons universitaires
Rapport du groupe de projet « Paysage suisse des hautes écoles » du 20 octobre 2004
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