Sylvie
Moreillon aime le génie civil, les tunnels, les hangars et les
décharges. Les vastes chantiers lausannois du M2 et de Tridel sont les
sujets apparents de son accrochage au Musée de Pully. Mais ces œuvres
élégiaques et mélancoliques cassent l’image de l’univers dur et viril
des travaux publics. Des silhouettes humaines solitaires semblent
dépassées par l’ampleur de leur tâche et écrasées par d’énormes
machines vaguement inquiétantes. Les romantiques du xixe siècle
évoquaient la petitesse humaine devant la nature. Sylvie Moreillon
montre l’isolement de l’homme face à ses propres réalisations.
Dans une série précédente, elle a peint des empilements de roues, de
pneus, de bidons vides, des architectures muettes, escaliers ou tuyaux,
comme une archéologie du présent, des vestiges muets d’où toute
présence vivante semble absente. Désormais les humains sont bien là,
mais le sens de leur activité nous échappe. Dans le tableau le plus
impressionnant de l’exposition, un ouvrier agenouillé se livre à un
travail incompréhensible devant une énorme machine émergeant à peine
d’un brouillard de fumées.
Les salles sont très différentes les unes des autres et témoignent du
talent multiforme de l’artiste. De très élégants tableaux en noir et
blanc accueillent le visiteur, fers à bétons, entassement de matériel,
deviennent des motifs presque abstraits, proches des noirs lumineux de
Pierre Soulages. Les grandes toiles de chantier sont le cœur de
l’exposition. L’une d’elle, une géométrie de coffrages rappelle
irrésistiblement le New York City de Piet Mondrian, mais un ouvrier
presque incongru s’y accroche. La dernière salle surprend avec des
portraits un peu décevants de travailleurs et de responsables du
chantier, un retour furtif et inattendu de l’humanité, après cet éloge
de l’absence et du vide. Mais en définitive, un très bel ensemble
empreint d’une spiritualité subtile et maîtrisée.
L’exposition de Sylvie Moreillon au Musée de Pully se déroule jusqu’au 9 avril.
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