Le mirage et l’asthénie
Alors que la Suisse affronte la concurrence sur le marché mondial, son
marché intérieur est encore largement protégé par des règles publiques
et des accords privés, ce qui expliquerait le niveau élevé des prix
pratiqués.
Si l’on excepte le tabac et la benzine, le consommateur helvétique paie
significativement plus que son homologue des pays industrialisés,
particulièrement pour son logement, ses soins médicaux et son
alimentation.
Les avis divergent quant aux causes de ce coût de la vie élevé. Les
milieux économiques stigmatisent le rôle prépondérant de l’Etat dans la
fourniture des services publics. Gauche syndicale et droite critiquent
la protection dont jouit l’agriculture. Et la gauche dénonce les
contrats d’exclusivité qui contraignent les commerces indigènes à
afficher les prix dictés par les producteurs étrangers, une contrainte
que les autorités soutiennent en empêchant les importations parallèles.
Une réduction du niveau des prix en Suisse est possible, c’est
incontestable. Par exemple les prix payés aux agriculteurs en Allemagne
et en Suisse divergent beaucoup moins que ceux exigés des consommateurs
dans ces deux pays. Les différences de salaires n’expliquent pas tout ;
les grands de la distribution ne jouent pas pleinement le jeu de la
concurrence, ce que tendrait à prouver la soudaine baisse des prix à
l’annonce de l’arrivée en Suisse de chaînes allemandes à bas prix.
Pourtant la concurrence ne constitue pas le remède-miracle. Dans
l’Union européenne, malgré le marché et la monnaie uniques et une lutte
efficace contre les cartels, les prix peuvent varier du simple au
double selon les Etats-membres. Le niveau des prix dépend d’abord du
niveau de vie et des salaires. Si le logement est si cher, c’est à
cause de la rareté du sol et d’une forte demande : le niveau des loyers
à Neuchâtel ne représente que 55% de celui de Zoug. Et aussi parce la
protection des locataires n’est pas particulièrement développée en
Suisse, pas plus que le parc de logements sociaux.
Et l’on en vient précisément au rôle de l’Etat. Aucune analyse n’a pu
démontrer une quelconque corrélation entre la quote-part de l’Etat et
la croissance économique. Même si des économistes de renom continuent
d’exprimer leur préoccupation face à l’évolution des dépenses
publiques, sans jamais étayer scientifiquement leurs dires. En Suède et
au Danemark, l’Etat prélève près de 50% du PIB et pourtant ces deux
pays connaissent une forte croissance. Et là où l’Etat est faible, on
constate aussi bien une stagnation – le Japon – qu’une forte croissance
– les Etats-Unis.
Ce qui compte, ce n’est pas la part des dépenses publiques dans le PIB,
mais ce que fait l’Etat des moyens financiers dont il dispose.
Investit-il dans les infrastructures, les transports, la recherche et
la formation, il facilite la croissance. Se contente-t-il de soutenir
des branches économiques en déclin, de payer les coûts sociaux
engendrés par une économie anémique, le pays stagne.
*Gegendarstellung. Wer die Schweizer Wirtschaft bremst. Xanthippe Verlag, Zürich, 2005.
Sur la quote-part de l’Etat et son lien avec la croissance : Rapport 2004 de la commission fédérale pour les questions conjoncturelles
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