A la recherche de la croissance perdue
Personne ne le conteste : depuis plusieurs années, l’économie
helvétique croît plus faiblement que celles de la plupart des pays
développés. Les prophètes de la décadence – grands patrons,
économistes, le seco et Avenir suisse, le réservoir d’idées financé par
les grandes entreprises – se contentent d’une analyse sommaire qui fait
pourtant les délices des médias : quote-part de l’Etat trop importante,
libéralisation insuffisante, institutions politiques qui favorisent une
coalition des conservateurs de gauche et de droite. Les rares experts
qui mettent en question la politique économique et monétaire ont peine
à se faire entendre. Or c’est bien cette politique qu’il faut
critiquer, à l’instar de Jean-Christian Lambelet et des 27 signataires
de son Manifeste pour la relance : en donnant la priorité absolue à la
lutte contre l’inflation dès le début des années nonante, la Banque
nationale a maintenu des taux d’intérêt élevés, favorisé un franc cher,
anémié la demande, et finalement contribué à la hausse du chômage ; et
les autorités politiques ont accentué la tendance récessive en
procédant à des économies budgétaires, alors qu’il aurait fallu au
contraire stimuler la demande. Bernd Schips, l’ancien patron du Centre
de recherche conjoncturelle de l’Ecole polytechnique de Zurich,
confirme : les collectivités publiques n’auraient pas dû tirer aussi
fort sur le frein aux dépenses lors de la récession des années nonante
et à partir de 2000. Car l’évolution du PIB helvétique par heure
travaillée est comparable à celle des Etats-Unis. C’est donc bien une
politique économique, monétaire et fiscale – augmentation des
cotisations chômage et de la TVA notamment – à contresens qui explique
la stagnation helvétique.
Si la Suisse fut particulièrement à la peine durant la récession de
1991 à 1996, elle ne fait pas mauvaise figure depuis lors. Mais pour
s’en convaincre, il faut manier correctement les statistiques. Mesurer
la croissance économique à la seule aune du produit intérieur brut,
c’est négliger la capacité économique véritable de la Suisse, à savoir
les revenus qu’elle tire de ses capitaux placés à l’étranger et ses
exportations. Si l’on tient compte de ces corrections, la croissance de
l’économie helvétique est meilleure que ce qu’en disent ses
contempteurs.
*Gegendarstellung. Wer die Schweizer Wirtschaft bremst. Xanthippe Verlag, Zürich, 2005.
Jean-Christian Lambelet, Ein Manifest für den Aufschwung, Zehn-Punkte-Programm eimer Gruppe von Ökonomen, NZZ, 6 février 1997.
Du côté des catastrophistes on peut mentionner :
Le premier livre blanc de Peter Moser, Schweizerische Wirtschaftspolitik im internationalen Wettbewerb, ein ordnungspolitisches Programm, Zürich, 1991.
Le deuxième livre blanc de David de Pury, Heinz Hauser, Beat Schmid (éd.), Mut zum Aufbruch, eine wirtschaftspolitische Agenda für die Schweiz, Zürich, 1995.
Des publications du département de l’économie publique: Der Wachstumbericht, Bern, 2002.
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