S’il est un téléphone qui fit plaisir à Georges Aegler, le fondateur de
ASECE (Association solidarité et création d’entreprises), pionnier du
petit crédit en Suisse romande, c’est celui d’un préposé de la Commission fédérale des banques.
Car un quotidien avait, en un titre accrocheur et de pleine page,
qualifié sa fondation de «Banque des pauvres». Or les banques sont
soumises à la loi. Mais il faut qu’il y ait vingt prêteurs pour que
l’activité soit qualifiée de bancaire. ASECE n’en est pas encore là, et
pourtant elle est bien présente sur le terrain du petit crédit.
Microfinance
Imaginons que vous vouliez créer une entreprise installant des systèmes
d’alarme ou, plus banalement, reprendre une épicerie, vous avez peu de
chances qu’une banque vous ouvre un crédit si vous ne disposez pas de
fonds propres ou de cautions. Encore plus difficile si vous êtes au
chômage. Le microcrédit correspond à un besoin. Dans tous les pays
européens, des institutions se sont créées pour y répondre. Souvent le
crédit est un moyen de sortir du chômage. Dans les pays en
développement, le microcrédit permet de lutter contre la pauvreté
d’hommes et de femmes pour qui l’achat d’une machine artisanale est un
début d’indépendance.
Le microcrédit se heurtait au scepticisme de ceux qui estiment les
risques trop élevés. Or l’expérience a démontré que, s’il faut compter
avec des pertes, elles ne sont pas supérieures aux risques bancaires
ordinaires. A condition qu’une présélection sévère soit opérée sur les
projets présentés (voir fiche technique ci-dessous). On peut dire
sommairement que le 10% des projets sont retenus et que sur ce nombre
10% sont défaillants.
Le prix d’une place de travail
Dans l’industrie et les services, on évalue le prix d’une place de
travail. Pour qu’un collaborateur soit opérationnel, quel est le coût
de ce qui doit être mis à sa disposition en espace et matériel ? Les
montants sont de plus en plus élevés, dépassent souvent le million ; et
c’est une des causes de la concentration et de l’essoufflement de trop
petites sociétés.
Mais dans l’économie sociale, l’investissement est aussi significatif.
D’après les chiffres d’ASECE, il faut compter 15 000 francs de prêt,
chiffre auquel s’ajoutent d’autres apports, s’il y a un montage avec
des sources de financement ou de cautionnement supplémentaires. Enfin
ASECE fonctionne en grande partie sur le bénévolat, de telle sorte que
les coûts d’exploitation de la fondation n’entament pas le capital ;
les frais qui subsistent sont en partie couverts par des contributions
du seco (Secrétariat d’Etat à l’économie) et des cantons dans la mesure
où il s’agit de chômeurs réintégrés dans le circuit économique. La
place de travail sociale, même modeste, représente donc un
investissement élevé, plusieurs millions pour moins de cent personnes.
Précisons qu’il ne s’agit pas d’un coût, puisque les prêts sont
remboursables et que les personnes intégrées génèrent du chiffre
d’affaires et pour la collectivité, par les impôts, des revenus.
Georges Aegler estime, expérience faite, que le suivi de l’entreprise
est encore plus important que le crédit. En accord avec le seco,
l’accompagnement des projets sera prolongé de six mois à une année.
Une leçon
On ne peut être qu’admiratif devant l’énergie et la persévérance qui
ont été nécessaires pour imposer en Suisse le concept et la pratique du
microcrédit. Mais à la mesure du coût financier et humain de la
réintégration des chômeurs de longue durée, on peut juger bien légères
les sociétés qui allègent sans nécessité impérative leurs effectifs et
externalisent les coûts sociaux.
Fiche technique
Fondation ASECE créée en 2000 par Georges Aegler
Siège : rue Pré-du-Marché 23, 1004 Lausanne
Email : fondation@asece.ch
Site internet : www.asece.ch
Prestations :
- financement : microcrédit jusqu’à 30 000 francs, taux préférentiels, modalités de remboursement adaptées de cas en cas ;
- accompagnement : faisabilité, viabilité du projet, soutien après
démarrage par des collaborateurs bénévoles qui apportent leurs
compétences professionnelles et commerciales.
Bilan au début de la sixième année d’activité :
- Projets analysés : 710
- Prêts accordés : 71 soit 10% dont 50% à des chômeurs
- Emplois générés : 88
- Total des prêts : 1 313 000 francs
- Chiffre d’affaires généré : plus de 23 millions
- Défaillances : 7 projets, 10% du montant des prêts
- Bénévoles actifs : 32
Microcrédit (Wikipédia)
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