Premier
numéro du Matin bleu, le quotidien gratuit d’Edipresse. Mise en page
pimpante, graphisme impeccable, le produit est incontestablement
séduisant. Avouons que l’on ne s’attendait pas à y trouver des papiers
sur Karl Rove, l’un des hommes de l’ombre de George Bush, le commerce
équitable des chaussures de sport ou la situation de la recherche en
Suisse, toujours très brefs, mais avec un sens évident de la synthèse.
Bien sûr il faudra juger sur la distance.
Edipresse le dit explicitement sur le site Internet du Matin bleu, ce
produit s’adresse à des lecteurs «jeunes, urbains et branchés» de 15 à
35 ans qui «lisent peu ou pas les quotidiens». Si Le Matin bleu donne
envie à des non-lecteurs de se diriger ensuite vers une presse plus
exigeante, ce journal gratuit pourra en effet être considéré comme une
belle réussite. Mais il faudra plusieurs années pour vérifier
cette assertion, sans compter la bataille qui s’annonce au printemps
2006 contre 20 minutes et qui laissera sans doute l’un des deux sur le
carreau.
Si ce journal doit être lu par ceux qui ne lisaient pas, alors il faut
enseigner le respect des sources. C’est le gros point noir des premiers
numéros. Les articles ne sont pas signés. Ce journal, fait
essentiellement à l’aide de dépêches d’agences retravaillées ou non,
n’en mentionne même pas la provenance. On s’attend à voir les petites
indications habituelles : ATS, AP, Reuters et les autres. Rien. Nous
vivons à l’époque de la traçabilité. Vous pouvez remonter à l’éleveur
d’où provient votre filet de bœuf. Indiquer la source d’une information
ne garantit pas sa véracité bien sûr, mais elle donne au lecteur la
garantie que le journaliste n’a pas carrément inventé ce qu’il choisit
d’éditer.
Publier une information sans indication de provenance accrédite l’idée,
déjà trop répandue sur Internet que tout se vaut et qu’il est inutile
de hiérarchiser et de démêler le vrai du faux. Il est vrai que lorsque
se côtoient dans la même page les attentats de Delhi, les
manifestations en Côte-d’Ivoire et une accusation de plagiat contre le
Da Vinci Code, on peut nourrir quelques craintes. Nous préférerons
croire pour l’instant que ce ne sont que pêchés de
jeunesse.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!